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Paris :soû & et Editeurs
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PRECIS
DE
GRAMMAIRE HISTORIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
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Droits de tmduction et de reproduction réservés.
PRÉCIS
DE
GRAMMAIRE HISTORIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
AVEC
UNE INTRODUCTION
SUR
LES ORIGINES ET LE DÉVELOPPEMENT
DE CETTE LANGUE
PAR
FERDINAND BRUNOT
Maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris Chargé d'un cours complémentaire à l'École normale supérieure.
QUATRIÈME ÉDITION
OUVRAGE COURONNE PAR L ACADEMIE FRANÇAISE
PARIS MASSON ET C% ÉDITEURS
120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1899
aïo I -Bis
I
TABLE DES MATIÈRES
Préface de la première édition • xxv
Avertissement de la troisième édition/ •••... xxxm
Notice bibliographique xxxv
LIVRE PREMIER
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Paragraphes. Pages,
1. Les langues de la Gaule 1
2. Le gaulois 2
3. La conquête romaine 3
4. Les invasions 7
5. Recul du latin. . 8
6. Le latin 8
î. Latin littéraire et latin populaire 9
8. Le roman 10
9. Les langues romanes 12
10. Langue d'oc et langue d'oïl 12
11. Les dialectes . 13
12. Progrès du dialecte de l'Ile-de-France 15
13 Les patois 16
14. L'ancien français 18
15. Décadence de l'ancien français 19
16. La Renaissance 21
17. Les premiers grammairiens 24
18. L'influence italienne 25
19. La Pléiade 26
20. Malherbe. Naissance de la langue moderne 29
21. L'influence espagnole 32
22. Tendance de réforme 33
23. La cour, les salons. ... « 34
24. L'Académie 35
25. Les philologues. Vaugelas 36
26. Caractère et résultats de la réforme • • 39
27. Les grands écrivains 42
*i8. La langue aux xviii" et xix° siècles 43
36-^1
VI TABLE DES MATIÈHES.
LIVRE II
LA PHONÉTIQUE. LES SONS
CHAPITRE PREMIER
VOYELLES ET CONSONNES
Paragraphes. Page*.
29. Les sons et les bruits 49
30 Les voyelles.. . 50
31. Voyelles fondapaentales : u, o, a, e, i 51
32. Voyelles mixtes : ii, eu. Voyelles nasales. 52
33. Quantité des voyelles 52
34. Doubles voyelles, diphthongues 53
55. Consonnes 53
36. Sourdes et sonores : c et p-, t et d, /" et V 53
37. Fortes et faibles 54
38. Continues et instantanées . . 54
39. Gutturales, dentales, labiales 54
40. Marginales: y, j 55
41. Nasales 55
42. Semi-voyelles 55
CHAPITRE II
IDÉE SGMMAIBE DE LA PHONÉTIQUE
43. Variations de la prononciation 56
44. Existence de lois 58
45. Caractères des lois phonétiques 60
raSTOIRE DES VOYELLES
46. Voyelles atones et voyelles toniques 63
47. Voyelles libres et entravées 65
48. Sort des voyelles libres. I. Les atones 66
49. — — II. Les initiales 69
50. — — m. Les toniques 69
51. Réduction des groupes de voyelles et des diphthongues. . . 72
52. Sort des voyelles entravées 73
HISTOIRE DES CONSONNES
53. Consonnes isolées. I. Les initiales 75
54. — IL Les finales 77
55. Consonnes isolées. IlL Les médiales 78
56. — IV. Les médiales devenues finales. ... 79
57. Groupes de deux consonnes 80
58. — — LA l'initiale 81
59. — — IL A la médiale 82
I
TABLE DES MATIÈRES. vu Paragraphes. Page*.
60. Groupes de deux consonnes. III. A la finale 83
61. Groupes de trois consonnes 83
62. Application de ces lois à l'étymologie. . . , 84
CHAPITRE III
ÉCRITURE ET PRONONCIATION
63. De l'alphabet 87
64. De l'orthographe 89
APPENDICE AU LIVRE H
65. Histoire des principaux sons latins 96
66. Histoire de la voyelle a 98
67. — — e 100
68. — — o 102
69. — — t .104
70. — — u. . 106
71. Histoire de la diphthongue a li 106
72. Histoire des consonnes c, g» . 108
73. — — t, d 110
74. - - p,b 112
75. — de la consonne s 114
76. — des. consonnes f,v 116
77. — de la consonne r 118
78. — — l 120
79. — des consonnes n, m 122
80. — — y, h . .124
81. Origine des principaux sons français. Voyelles 126
82. — — Consonnes. I. Isolées.
il. £n groupes 132
LIVRE m
DU LEXIQUE CHAPITRE PREMIER
MOBILITÉ DU LEXIQUB
83. Des causes de cette mobilité 138
84. Développement de sens nouveaux dans les mots 140
85. Création de mots nouveaux «... 140
86. Origine des néologismes • 141
TABLE DES MATIÈRES.
CHAPITRE II
LE FONDS POPULAIRE Paragraphes. Pages.
87. Le lexique du latin vulgaire 142
88. Comparaison avec le latin classique 143
CHAPITRE III
DÉRIVATION POPULAIRE
89. De l'existence de composés et de dérivés 145
90. Dérivation propre et dérivation impropre 145
DÉRIVATION IMPROPRE
91. Substantifs formés d'adjeclifs 146
92. — — de noms propres 146
93. — — de verbes à l'indicatif 147
94. — — de verbes à l'impératif 148
95. .» — de verbes à l'inGnitif 148
96. — — de verbes au participe présent 148
97. — — de verbes au participe passé 149
98. — — de mots invariables 150
99. Adjectifs formés de substantifs 150
100. — — de verbes 151
101. Adverbes, prépositions et interjections 151
DâRIVATION PROPRE
102. Des suffixes 152
103. Rôle des suffixes 152
104. Histoire des suffixes 153
105. Changements dans leurs formes 153
106. — — emplois 154
107. — — significations 154
108. Mort des suffixes 155
109. Les suffixes français 155
110. Classification des suffixes 156
111. Suffixes nominaux 156
112. — verbaux 161
113. — adverbiaux • 161
CHAPITRE IV
COMPOSITION POPULAIRE
114. Des mots composés • • 162
115. Place des termes 162
116. Juxtaposés et composés. Ressemblances et différenees. . . . 163
117. Réduction des composés et des juxtaposés à des mots sim-
ples 164
118. Chronologie de la composition c 165
TABLE DES MATIÈRES. ^^
JUXTAPOSITION Paragraphes. Pages.
119. Résultats de la juxtaposition 165
120. Substantifs issus de deux termes juxtaposés dont l'un qua-
lifie l'autre. Type : saindoux 165
121. Substantifs issus de deux termes juxtaposés, dont l'un dépend
de l'autre. Type : hôtel-Dieu 166
122. Substantifs modernes de même nature. Type : arc-en-ciel. . 167
123. Modifications dans le sens de ces substantifs 167
124. Adjectifs juxtaposés. Type : ôzen/iewreua;, sourd-muet. . . 167
125. Pronoms juxtaposés 168
126. Verbes juxtaposés 168
127. Mots invariables 168
COMPOSITION PAR PARTICULES
128. Origine des particules , . 169
129. Nature des particules 170
130. Particules séparables et inséparables 171
131. Emploi des particules 171
132. Liste des particules 172
COMPOSITION PROPREMENT DITE
133. Noms composés 176
134. Composés formés d'une préposition et d'un nom ou d'un
verbe 176
135. Composés dont le premier terme est un adverbe 177
136. Substantifs formés de deux noms dont l'un est subordonnée
l'autre 177
137. Substantifs formés d'un verbe à l'impératif suivi de son com-
plément 178
138. Verbes composés d'un substantif régime et d'un verbe. . . . 179
139. Composés irréguliers 179
CHAPITRE V
EMPRUNTS AUX LANGUES ÉTRANGÈRES
140. Légitimité de l'emprunt 180
141. Transformation des mots empruntés 180
142. Élément celtique 181
143. Élément grec 183
144. Élément basque 184
145. Élément germanique 184
146. Élément italien 188
147. Élément espagnol 190
148. Éléments dialectaux ^ . 191
149. Autres langues européennes. . • 191
150. Langues orientales . • • 192
^ TABLE DES MATIÈRES.
l'aragraphes. Pages-
151. Élément arabe 193
152. Mois d'origines diverses 193
CHAPITRE VI
LE FONDS SAVANT
153. Phonétique des mots savants 194
CHAPITRE VU
EMPRUNTS AU LATIN
154. Histaire de ces emprunts 195
DÉRIVATION LATINE
155. Généralités 196
156. Liste des suffixes 196
COMPOSITION LATINE
157. Généralités 199
158. Composés de mots 199
159. Composés par particules 200
CHAPITRE VIII
EMPRUNTS AU GREC
160. Généralités 202
DÉRIVATION GRECQUE
161. Les suffixes grecs 203
COMPOSITION GRECQUE
162. Composés de mots 204
163. Principaux mots grecs usités en composition 205
164. Composés par particules 206
CHAPITRE IX
CONSIDÉRATIONS SUR LES RESULTATS
165. Des doublets 208
166. Des doublets d'origine savante 211
167. Doublets d'origine étrangère et dialectale 212
168. Qualités et défauts de la langue savante 212
169. Rapports de la langue savante et de la langue populaire. . . 214
CHAPITRE X
DU SENS DES MOTS
170. Changements de sens dans les mots. .» 215
171. Lois qui régissent ces changements 218
172. La métaphore. 218
-1T3. La catachrèse. 221
I
TABLE DES MATIERES. xi
Paragraphes. Pages.
174. Métonymie et synecdoque 222
175. Autres figures 224
PATHOLOGIE VERBALE
176. Spécialisation 226
177. Anoblissement. Dégradation 226
178. Chute et mort des mots 227
179. Résurrection des mots 228
LIVRE IV
FORMES ET SYNTAXE. LES DIX PARTIES DU DISCOURS
CHAPITRE PREMIER
DU NOM
I. Des genres.
180. Masculin et féminin 229
181. Du neutre 229
182. Neutre logique et neutre grammatical 229
183. Disparition du neutre latin. . 230
184. Traces de neutres 230
185. Équivalents du neutre 231
186. Noms masculins et féminins 231
187. Changements de genre dans les noms 232
II. Des nombres.
188. Singulier, pluriel et duel 236
189. Des noms susceptibles d'être employés au pluriel. ..... 237
III. De la déclinaison.
190. Qu'est-ce qu'une déclinaison? 239
191. Déclinaisons latines à six cas 239
192. Désorganisation de ces déclinaisons 240
193. Maintien d'une déclinaison en ancien français 241
194. Déclinaison des noms féminins. . » 241
195. Pluriels neutres devenus des féminins singuliers 242
196. Extension de la déclinaison féminine 242
197. Résumé 244
198. Première déclinaison masculine. Type : murs 244
199. Assimilation des noms des 3*, 4" et 5* déclinaisons latines. . 244
'200. Deuxième déclinaison masculine. Type : père 245
'201. Noms imparisyllabiques 246
202. Progrès delà première déclinaison 249
203. Noms indéclinables 249
'.U4. Destinée de ces déclinaisons •.. 250
205. Restes de l'ancienne déclinaison 251
XII TABLE DES MATIÈRES.
Paragraphes. Pages.
206. Origine du s du pluriel 251
207. Emploi des cas. . 253
208. Règles générales 253
209. Emplois particuliers , 254
CHAPITRE II
DE l'adjectif
210. Définition et caractères * 257
211. Déclinaison latine des adjectifs 257
212. Première déclinaison française 259
213. Remarques 259
214. Adjectifs invariables au masculin et au féminin 260
215. Deuxième déclinaison des adjectifs 261
216. Adjectifs imparisyllabiques 262
217. Assimilation des deux déclinaisons 263
218. Emploi et syntaxe de l'adjectif •. . . . 264
219. Règles générales d'accord 265
220. Accord de l'adjectif qui se rapporte à plusieurs noms. . . . 266
221. Accord des adjectifs employés adverbialement 267
222. Accord de quelques adjectifs 269
223. Adjectifs indéclinables 270
DEGRÉS DE SIGNIFICATION DES ADJECTIFS
224. Positif, comparatif et superlatif 271
225. Comparatifs et superlatifs synthétiques 271
226. Comparatifs et superlatifs analytiques 2*3
227. Syntaxe des compléments du comparai if 275
228. Du superlatif relatif 276
CHAPITRE III
DES NOMS DE NOMBRE
Nombres cardinaux.
229. Nombres de 1 à 16 278
230. Nombres de 16 à 100 279
231. Mille et ses multiples 280
232. Syntaxe des noms de nombre 281
233. Nombres indéterminés 282
Nombres ordinaux.
234. Formation des noms de nombres ordinaux 283
235. Emploi de ces noms 285
CHAPITRE IV
DES PRONOMS
23Ô. Définition. 285
r
TABLE DES MATIÈRES. i"x
PRONOMS PERSONNELS Paragraphes. Pages.
237. Déclinaison des pronoms personnels 285
238. Formes toniques et atones 286
239. 1" et 2"' personnes 286
240. 3» personne 288
244. Formes élidées 289
245. Ellipse des pronoms personnels 290
246. Répétition du pronom 293
247. Emploi pléonastique du pronom 294
248. Origine delà forme interrogative 295
249. Emploi des formes atones et des formes toniques 29ô
250. Emploi des cas., 297
251. Emplois particuliers des pronoms nous et voMS 298
252. Emplois des pronoms il ei le 299
253. Pronoms adverbiaux 301
Pronom réfléchi.
254. Nature du pronom réfléchi 304
255. Nombre et formes des pronoms réfléchis 304
256. Emploi de la forme tonique et de la forme atone 305
257. Échange des pronoms personnels et des pronoms réfléchis. 306
PRONOMS ET ADJECTIFS POSSESSIFS
258. Nature des adjectifs pronominaux possessifs 309
1'% 2« et 3" personnes du singulier,
259. Première personne 310
260. Deuxième personne 310
261. Troisième personne 311
262. Origine des pronoms mien, fien, sien 311
263. Emploi des formes toniques et des formes atones. Pronoms
et adjectifs possessifs 312
264. Accord des adjectifs possessifs 313
1^«, 2« et 3" personnes du pluriel.
265. Première et deuxième personnes 316
266. Les pronoms nos et vos 316
267. Emploi des formes toniques et atones 317
268. Troisième personne du pluriel: Origine du pronom iewr. . . 318
269. Échange de Tarticle et des pronoms possessifs 319
PRONOMS DÉMONSTRATIFS
270. Origine des pronoms démonstratifs 321
271. Formes de ces pronoms 321
272. Naissance de pronoms surcomposés 324
TABLE DES MATIÈRES.
Paragraphes. Pages.
273. Emploi des pronoms simples et des pronoms composés. . . 326
274. Pronoms et adjectifs démonstratifs 328
275. Ellipse des pronoms démonstratifs 329
276. Remarques sur quelques locutions 329
PRONOMS RELATIFS OU CONJONCTIFS
277. Définition. 330
278. Le pronom qui ' 331
279. Emploi des cas 332
180. Emploi des genres 333
281. Pronoms conjoints et pronoms absolus 334
282. Le pronom quiconque 336
283. Le pronom lequel, 336
284. Pronoms adverbiaux :î.38
285. Accord dans les phrases relatives 340
286 Remarques sur quelques tournures 341
PRONOMS INTERROGATIPS
287. Formes des pronoms interrogat ifs , 343
288. Emploi des genres 344
289. Emploi de la forme atone que et de la forme tonique quoi. 344
290. Interrogatifs périphrastiques 346
291. Quel et lequel interrogatifs 347
292. Adverbes interrogatifs 348
PRONOMS ET ADJECTIFS INDÉFINIS
293. Aucun 3'«9
294. Autre 350
295. Certain 352
296. Chaque 352
297. Chose 353
298. El 353
299. Maint 353
300. Même 354
301. Moult 355
302. Néant , 355
303. Nesun 355
ZO^i. Nul 356
305. On 357
306. Personne • 358
307. Plusieurs . 359
308. Quant 359
309. Quel que 359
310. Quelque chose 361
311. Quelconque 361
312. Qui 362
313. Rien. 362
TABLE DES MATIÈRES. •' Paragraphe». Pages,
314. Tel 363
315. Tout 363
316. Un 364
CHAPITRE V
DE l'article
317. Langues sans articles 365
318. Origine et fonction de l'article défini 365
319. Formes de l'article défini. 367
320. Emploi des cas 368
321. Formes contractes 369
322. Rôle et origine de l'article indéfini 370
323. Origine de l'article partitif 371
324. Emploi de l'article. Généralités 372
325. Article avec les noms communs concrets . 373
326. Article avec les noms communs abstraits 374
327. Article avec les noms propres. ... 375
328. L'article partilif 377
329. Ellipse de l'article 380
CHAPITRE VI
DU VERBE
330. Définition 383
331. Histr ire générale 385
DE LA CONJUGAISON
332. Influence de l'analogie ...» 385
VARIATIONS DU RADICAL DES VERBES
3?3. Verbes à radical variable o . » . 387
RADICAL TONIQUE ET RADICAL ATONE
334. Loi du balancement de l'accent 388
l» Verbes à radical monosyllabique.
335. Le radical latin est en a 389
336. — — 0 389
337. - - ë{è) 389
338. - — ê, î{é) 390
2° Verbes à radical polysyllabique.
839. De quelques verbes de l'ancienne langue , 391
ACTION DE LA FLEX.ON
1° Présence d'un e ou d'un i consonnifiable.
340. Influence de ces voyelles 391
341. Le radical latin est terminé par une gutturale 392
XVI TABLE DES MATIÈRES.
Paragraphes. Pages.
342. Le radical latin est terminé par une dentale 392
343. _ _ — • labiale 393
844. — — — vibrante r 393
345. — . _ — liquide l 394
346. — — — nasale 394
2'* Influence d'une flexion commençant par une voyelle.
347. Verbes en aindre, eindre, oindre 395
3* Influence de la présence d'une consonne dans la flexion sur les radicaux de verbes terminés en 1.
348. Vouloir, moudre, etc 395
INTRODUCTION DE LETTRES EUPHONIQUES
349. Introduction d'un d, d'un 6, d'un v 596
LES CONJUGAISONS FRANÇAISES
350. Nombre des conjugaisons 397
CONJUGAISONS MORTES
351 . Conjugaison en re 398
352. Conjugaisons en oir et en tV 398
CONJUGAISONS VIVANTES
353. Conjugaison inchoative 399
354. Conjugaison en er 400
355. Résumé 401
FORMES SIMPLES DU VERBE
356. Histoire des formes simples 401
Formes impersonnelles. Infinitif.
357. Infinitif en ir, re, oir, er 402
Gérondif et participe présent,
358. Gérondif 403
359. Participe présent 404
360. Déclinaison du gérondif participe 404
361. Participes en dus^ da, dum 405
Participe passé.
362. Participes faibles en d et en i 405
363. Participes forts 406
364. Participes en «,,.... - 406
TABLE DES MATIÈRES. xvu Paragraphes. Pages.
365. Participes eut 470
366. Concurrence de ces formes avec la forme en tt 408
367. Participes en u 408
368. Formation de ces participes 409
369. Maintien des trois formes 410
Formes personnelles. Indicatif présent.
370. Conjugaison en er 410
371. — oir, re, ir 411
372. — inchoative 414
Présent du subjonctif,
373. Conjugaison en er 415
374. Conjugaisons en re, oir, ir 416
Imparfait de Vindicatif
375. Verbes latins en are 417
376. — en ire 418
377. Origine de l'imparfait en afs. Verbes latins en ère 418
Impératif latin.
378. Impératif présent, futur et passé 419
Prétérit défini de Vindicatif,
379. Forme en ai. ... 420
380. Forme en t. ... , 421
381. Prétérits se rattachant à dedi 421
382. Prétérits latins en i c 422
383. Prétérits latins en s» 424
384. Prétérits latins en m* 425
Imparfait du subjonctif.
385. Rapports de cet imparfait et du prétérit défini 428
Plus-que-parfait simple de Vindicatif,
386. Forme ancienne de ce temps 429
Le verbe être,
387. Formes impersonnel les 429
388. Indicatif et subjonctif présents 430
389. Imparfait 481
390. Futur et conditionnel. 431
391. Prétérit et imparfait du subjonctif. 432
\J BRUNOT- 6
xvni TABLE DES MATIÈRES.
FORMES COMPOSÉES DU VERBE Paragraphes. P«ge».
392. Développement de ces formes 434
Temps composés devenus sim,ples Futur et conditionnel.
393. Futur 434
394. Conditionuel 434
395. Modifications dans le radical du futur et du conditionnel. . . 435
396. Réduction de ces deux temps à des temps simples 436
Temps composés proprement dits.
397. Conjugaison passive 437
398. I. Conjugaison active. Origine des formes composées avec
être 438
399. Présent périphrastique composé avec être ........ 438
400. Verbes réfléchis conjugués avec être 439
401. II. Conjugaison active. Origine des formes composées avec
avoir 439
402. Généralités sur les auxiliaires 440
403. Emploi d'être et d'avoir dans les difl'érentes espèces de verbes. 441
404. Rôle des auxiliaires dans les temps composés 443
405. Verbes semi-auxiliaires : rendre, aller, devoir 444
Des verbes pronominaux.
406. Origine de la forme pronominale • • • • 446
407. Rôle du pronom 447
SYNTAXE DU VERBE I. Des voix
408. Verbes déponents 449
409. Verbes transitifs et intransitifs 449
Échange des voix,
410. I. Emploi de l'actif pour le passif; IL du passif pour l'actif;
III. du réfléchi pour le passif 451
II. Des personnes
411. Flexions et pronoms , . 454
DBS verbes impersonnels
412. Origines 454
413. Emploi du pronom dans les verbes impersonnels 455
414 Syntaxe de» verbes impersonnels c'est, ce sont 456
TABLE DES MATIÈRES. xii
III. Des nombres Paragraphes. Pages.
41=1. Accord du verbe avec plusieurs sujets 459
416. Accord avec les collectifs 461
IV. Des temps
417. Première division de la durée 463
418. Présent 463
419. Passé défini et indéfini 464
420. Futur simple 466
421. Deuxième division de la durée 466
422. Présent dans le passé. Imparfait 467
423. Prétérit antérieur et plus-que-parfait 469
424. Futur dans le passé 471
425. Futur antérieur 471
426. Simultanéité dans le futur 472
427. Autres subdivisions de la durée 472
428. Conditionnel passé 473
429. Autres temps de même genre . 474
Temps des modes autres que l'indicatif.
430. Temps de l'impératif 474
431. Temps du subjonctif 474
432. Temps du conditionnel 477
433. Temps de l'infinitif 477
434. Temps du participe 478
Correspondance des temps.
435. Observations générales 480
436. Correspondance des temps dans les pi'oj)ositions coordonnées. 480
437. Correspondance des temps dans les propositions subordonnées. 482
V. DES MODES
437 bis. Géucralit(^.s 486
De l'indicatif.
438. Emploi de l'indicatif 487
De l'impératif.
439. Emploi de l'impératif 487
Du subjonctif,
440. EmpCoi du subjonctif 488
XX TABLE DES MATIÈRES.
A. Propositions principales. Paragraphes. Pages.
441. Subjonctif de politesse 488
442. Subjonctif pour l'impératif. 489
B, Propositions subordonnées,
443. Subjonctif dans les propositions concessives 490
444. — — hypothétiques 492
445. — — causales 493
446. — — temporelles 495
447. — — finales et consécutives . . . 496
448. — — complétives 497
449. — — relatives 501
450. Résumé 502
Du conditionnel.
451. Rapports des temps et des modes. ... 503
452. Rapports entre la forme et le sens du conditionnel 504
453. Signification du conditionnel 506
454. Emplois du conditionnel 507
455. Correspondance avec un verbe principal au conditionnel . . 510
456. Subjonctif du conditionnel 511
De Vinfînilif.
457. Nature de l'infinitif 611
458. Emploi de l'infinitif dans les propositions indépendantes . . 512
459. Interrogations indirectes 512
460. Infinitif sujet et attribut 513
461. Infinitif complément indirect 513
462. Infinitif complément direct marquant l'objet de l'action. Ori-
gine de la proposition infinitive 514
463. Infinitif construit pour marquer le but de l'action 518
Du participe,
464. Définition 518
465. Participe et gérondif. - 519
Accord du participe présent,
466. Histoire des règles d'accord ••••• 519
Accord du participe passé.
467. [ arlicipe avec éir4 » 521
TABLE DES MATIÈRES. xxi Paragraphes. Pages.
468. Participe avec avoir 521
469. Participe dans les verbes pronominaux 527
Constructions du participe.
470. Participe épithète 528
471- Participe en apposition 529
472. Participe gérondif avec en 530
473. Participe attribut 532
474. Participe construit absolument 534
CHAPITRE VII
DE l'adverbe
475. Définition 535
476. Origine des adverbes 536
477. Le s adverbial 537
478. Adverbes de lieu 538
479. Adverbes de temps 541
480. Adverbes de quantité 548
481. Adverbes de manière 555
482. Degrés des adverbes 559
483. Adverbes d'affirmation^ de doute 559
De la négation.
484. Négations simples 562
485. Négations renforcées 566
486. Emploi de la négation 569
CHAPITRE VIII
DE LA PRÉPOSITION
487. Définition 570
488. Origine des prépositions 571
489. Signification des prépositions 573
490. A 573
491. Atout 580
492. Avec 580
493. Ains, ainçois, avant 580
494. Contre. ." 583
495. De 584
496. En 594
497. Dans 596
498. Dedans 597
499. Fors 598
500. Outre 600
501. Par 600
xxir TABLE DES MATIÈRES.
Paragraphes. Pages.
502. Pour 603
503. Puis 605
604. Rière 607
506. Sous 607
506. Sur 609
507. Vers 609
CHAPITRE IX
DE LA CONJONCTION
508. Définition 610
509. Origines 610
Emploi et syntaxe des conjonctions.
510. Conjonctions de coordination et de subordination 611
Conjonctions de coordination,
511. La phrase est formée de deux ou plusieurs propositions dont
l'une développe le sens de l'autre 612
512. La phrase contient deux idées qui s'excluent, etc 616
513. La phrase marque une alternative 617
514. Deux idées sont dans un rapport logique entre elles; Tune
exprime la raison ou la conséquence de l'autre 618
Conjonctions de subordination,
515. Observations 621
516. A cause que 622
517. A ce que. 622
518. Ainsque 622
519. A mesme que 623
520. Au plus tost que 623
521. Cependant que. . 623
522. Combien que 623
523. Comme . 624
524. Comment que 624
525. De quoy 625
526. Dèace que 625
527. Devant çt«e, davant que 625
528. Incontinent que 626
529. Jaçoit que 626
530. Mesme que 636
531. Mesmementque 62T
532. Moyennant que 627
533. Ores que. . 627
TABLE DES MATIÈRES. xxiii Paragraphe». Pages.
534. Pour ce que 627
535. Pourtant que 629
536. Premier que, premièrement que 629
537. Quand^ lorsque 630
538. Que 630
539. Si 633
540. Tandis que 633
541. De tant que, d'autant que 634
CHAPITRE X
DE l'interjection
542. Origine des interjections 635
543. Signification et emploi des interjections 636
CHAPITRE XI
DE l'ordre des mots
544. Ordre des idées et ordre des mots 637
545. Ordre des mots en latin et en français. Naissance d'un ordre
syntaxique 638
PLACE DU VE(RBE
546. Différentes constructions du verbe •... 640
PLACE DU SUJET
547. Construction ordinaire du sujei 642
548. Construction du sujet dans les propositions affirmatives indé-
pendantes 645
649. Construction du sujet dans les propositions affirmatives
subordonnées 645
550. Inversion dans les propositions interrogatives 647
551. Construction du sujet dans les propositions optatives. . . . 647
552. Séparation du verbe et du sujet 648
PLACE DU RÉGIME
553. Du substantif régime , 649
554. Du pronom régime. . 651
555. Place respective du pronom régime direct et du pronom
régime indirect 652
556. De l'infinitif régime 652
PLACB DE l'ATTRIBOT
557. De l'attribut du sujet 655
558. De l'attribut du régime « . . 657
XXIV TABLE DES MATIÈRES.
PLACE DU RÉGIME INDIRECT
Paragraphes. Pages.
559. Du pronom, du substantif, de l'infinitif régime 559
PLAGE DES COMPLÉMENTS DES MOTS AUTRES QUE LE VERBE
560. Des compléments du substantif et de l'adjectif 660
PLACE DE l'adjectif ÉPITHÈTE
551. Règles générales et cas particuliers 662
PLACE DES DÉTERMINATIPS
662. De l'article, des adjectifs possessifs et démonstratifs 666
PLACE DES PRONOMS
563. Des possessifs et démonstratifs ....... 666
564. Des indéfinis 666
PLACE DES NOMS DE NOMBRE
565. Cardinaux et ordinaux 666
PLACE DE l'adverbe
566. Usage ancien et usage moderne 667
place du COMPLÉMENT CIRCONSTANCIEL
567. Libre construction de ces compléments • , 669
Index alphabétique C71
PREFACE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
La grammaire n'est pas, comme on l'enseignait autrefois, l'art de parler et d'écrire correctement. Cette vieille définition péchait de deux manières : elle était d'abord inexacte et ensuite trop modeste, ce qui est aussi un défaut.
En premier lieu, on estime aujourd'hui, et avec raison, semble-t-il, qu'une grammaire française ne doit pas seulement nous apprendre à parler et à écrire le français actuel, il faut aussi qu'elle nous permette de comprendre la langue de nos pères, et de goûter les œuvres de tous nos écrivains, fussent- elles vieilles de plusieurs siècles. La grammaire doit donc, en ce sens-là déjà, être historique.
Encore ne touchons-nous pas là à la véritable raison qui a amené depuis quelques années un bouleversement complet dans les méthodes grammaticales, car notre ancienne littérature, toute réhabilitée qu'elle est, n'en demeure pas moins inconnue de la grande masse du public et des élèves, malgré la bonne volonté des programmes.
La vérité est que les anciennes grammaires ressemblaient un peu trop à des codes ou, si l'on veut, à des recueils de jurispru- dence, enregistrant des arrêts, formulant des décisions, donnant pêle-mêle des règles justes et d'autres étranges, contredites par
^'^^ï PRÉFACE.
des exceptions plus étranges encore, présentant enfin tout cela comme un dogme immuable dont il n*était permis ni de péné- trer les origines, ni de juger la valeur. Ainsi on nous appre- nait que les noms français font pour la plupart leur pluriel en s, que d'autres noms cependant, terminés en aii, le font en aux.
Voilà qui va bien. Mais d'où vient cette règle? Est-elle ancienne ou moderne, raisonnée ou arbitraire? Pourquoi n'est-ce pas le contraire qui se produit, et pourquoi le s est-il en français le signe du pluriel plutôt que le r, le t ou le /"? A celui qui l'interroge ainsi, le langage présente une multitude de mystères qu'un esprit cultivé a le devoir d'éclaircir, car si l'on veut bien apprendre, c'est à condition de comprendre ensuite, et notre génération, toute pleine de l'esprit d'examen et de raisonnement que la science a développé en elle, veut savoir en grammaire comme ailleurs, non seulement le com- ment, mais aussi le pourquoi des choses. C'est sous l'influence de ce besoin que s'est développée la grammaire moderne, qui prétend expliquer toutes les lois qu'elle énonce.
On l'appelle grammaire comparée et Msioriçite, parce que les deux moyens essentiels dont elle se sert sont la comparaison et l'histoire. La comparaison éclaire, par l'analogie des langues préalablement reconnues pour être de la même famille que la nôtre, des faits qui sans cela seraient obscurs ou même inexpli- cables, nous le verrons en parlant de l'étymologie (page 84). Quant à l'histoire, elle est l'instrument indispensable de la science nouvelle. En effet, le langage étant soumis à un continuel chan- gement, à quelque époque de son évolution qu'on étudie une lan- gue, l'état dans lequel elle se trouve à cette époque s'explique par l'état antérieur. Le français classique a sa source et par consé- quent son explication dans le français du seizième siècle, qui lui-
PRÉFACE. XXVII
même dérive de celui du moyen âge, et ainsi de suite, d'antécé- dents en antécédents, jusqu'au latin. En théorie donc, pour com- prendre l'organisme de notre langue contemporaine, il faut et il suffit de connaître l'organisme du latin, source commune des lan- gues romanes, et de pouvoir le suivre dans les transformations insensibles qu'il a subies depuis vingt siècles. C'est-à-dire que si la science était faite, si l'on était parvenu à reconstituer dans son entier la langue vulgaire que les Romains avaient importée en Gaule, si l'on pouvait, d'autre part, analyser la constitution physiologique et psychologique des générations qui depuis lors se sont transmis cet idiome de bouche en bouche, si enfin il était possible de préciser le rôle des agents extérieurs qui ont précipité, entravé, ou simplement influencé le mouvement de transformation, on pourrait alors décomposer le français en ses éléments, examiner un à un chacun des sons, des mots, des tours dont il est formé et en expliquer la provenance, le déve- loppement, la raison d'être.
La linguistique n'en est point encore là. Elle ne répond pas et ne répondra peut-être jamais à toutes les questions qu'on lui pose; néanmoins les résultats déjà acquis méritent d'arrêter ceux qui, s'élevant au-dessus des détails encore inexpliqués, aiment à se poser dans leur généralité les problèmes de l'his- toire et de la nature.
Qu'est-ce en effet que notre langue, cette langue que les plus ignorants d'entre nous aiment, tout en la défigurant, d'un amour irraisonné, exclusif, mais profond, que les plus cultivés considèrent comme la voix même de la patrie? Qui l'a faite, quand l'a-t-on faite? Par quels moyens?
Puis, si l'on veut monter plus haut encore, qu'est-ce qu'une langue? Comment se fait-il que quelques sons s'unissent pour former des mots, lesquels prennent un sens, se modifient do
^xviii PRÉFACE.
différentes façons, se combinent pour former des propositions et des phrases, et que la série des bruits ainsi produits acquiert l'étrange pouvoir de traduire notre âme au dehors, dans Fin- finie variété de ses sentiments et de ses pensées ?
Assurément la grammaire historique, bornée à l'étude de notre langue seule, ne donne pas une réponse nette et complète à ces hautes questions. Du moins, même resserrée dans de si étroites limites, elle fournit à celui qui veut y réfléchir des notions générales sur le développement du langage, suffisantes pour qu'il puisse généraliser par l'induction les lois particu- lières qu'elle lui découvre.
D'abord elle détruit en nous cette idée fausse qu'une langue est une œuvre volontaire et arbitraire, en nous prouvant que, mal- gré les influences individuelles qu'elle peut subir, elle reste, dans son ensemble, une création spontanée et naturelle de la collectivité humaine.
Elle nous montre ensuite cette création soumise à des forces instinctives, dont l'ensemble constitue son caractère et son génie, qui la dominent et la dirigent, et qui, exerçant leur action dans certaines circonstances historiques où elle se déter- mine, entraînent une série ininterrompue de phénomènes qui forment un développement continu et régulier. Ainsi expliqué, le langage retrouve sa place dans l'ensemble des choses ; fonc- tion de l'espèce humaine, il apparaît, comme l'espèce même, comme la nature tout entière, dans un perpétuel devenir, dans une évolution sans fin, dont on peut découvrir sinon les causes, au moins les lois qui font partie des lois naturelles.
Spéculations superflues, dira-l^on. Sans doute, comme l'his- toire dont elle procède, comme la philosophie à laquelle elle aboutit, la linguistique est une science inutile, si l'on n'en veut considérer que les résultats pratiques. Il ne nous en coûte même
PRÉFACE. ^^^ •
pas de reconnaître que les plus ardents défenseurs des lettres s'en peuvent désintéresser, car ce n'est point cette science-là qui forme les grands écrivains. Et en effet, on racontait l'an dernier, dans une de nos Revues les plus estimées, qu'au milieu d'une conversation à laquelle plusieurs membres de l'Institut avaient pris part, un des interlocuteurs, peut-être aussi mali- cieux que curieux, demanda ce que c'était que ces doublets* dont on explique aujourd'hui en quatrième l'origine et l'utilité. A cette question tout le monde, paraît-il, resta coi. Le fait, s'il est exact, et les travaux de la compagnie permettent d'en douter, prouve péremptoirement que ce n'est pas en étudiant ces ques- tions que nos académiciens apprennent à écrire. Il n'y a pas lieu de s'en étonner, car si l'ignorance en ces matières ne mène pas à l'institut, on comprend fort bien qu'elle n'empêche pas d'y entrer, et la chose n'avait pas besoin de démonstration. Corneille, Racine et tant d'autres avaient déjà fait voir, en nous donnant leurs chefs-d'œuvre avant qu'il fût question de la lin- guistique, qu'on peut être un écrivain de premier ordre et ignorer l'existence même de la science du langage, de même qu'on peut être un grand artiste et n'entendre rien à l'acoustique.
J'irai même plus loin encore dans cette voie que le critique auquel je faisais allusion; il accuse, lui, la grammaire histo- rique d'être sans intérêt pour beaucoup : je confesserai, en outre, qu'elle serait dangereuse à plusieurs. Je disais en com mençant qu'il y a des choses qu'on veut comprendre après les avoir apprises, et que la grammaire est de celles-là. Je crois toutefois qu'il serait périlleux de vouloir la comprendre en même temps qu'on l'apprend et la discuter avant de la savoir. Les vieilles méthodes dogmatiques seront toujours les seules
1. Voir page 208.
XXX PRÉFACE.
qui conviendront pour enseigner la grammaire aux enfants, à moins qu'on ne veuille compromettre le respect forcé et déjà médiocre qu'ils ont pour cette autorité qui leur pèse. En effet la grammaire, telle que nous la comprenons, dégagée de tout lien traditionnel et indépendante comme une science, critique et juge parcela seul qu'elle explique. Indulgente aux prononciations populaires, favorable aux néologismes, c'est-à-dire aux barba- rismes, quand ils sont bien faits, protectrice des patois, frères méprisés du français qu'elle réhabilite, elle jette un jour souvent défavorable sur les dogmes les plus vénérés de l'orthographe, discrédite bon nombre des règles de la syntaxe en les montrant en contradiction avec les lois naturelles, en un mot elle n'est point faite pour former des puristes. Il ne faudra donc aborder cette étude que lorsqu'on sera bien assuré de savoir assez de latin pour la poursuivre et surtout de posséder assez bien son français pour ne plus craindre de le perdre. Il faudra finir et non commencer par là.
Il me reste maintenant à expliquer, suivant Pusage, comment et pourquoi j'ai fait ce livre. Je donnerai en quelques mots mes raisons dans toute leur naïve simplicité.
On m'avait demandé de composer un petit manuel tout élé- mentaire, accessible même aux jeunes filles des classes supé- rieures, où se trouveraient réunis les principaux résultats acquis et les notions générales indispensables. J'avais accepté, sentant que j'aurais pour me soutenir une foule de secours étrangers. C'étaient d'abord les cours de mes anciens maîtres MM. A. Darmesteter et G. Paris, dont ils m'avaient permis, avec une bonne grâce que je ne saurais trop reconnaître, de tirer profit. J'avais en outre les encouragements toujours présents et les avis amicaux de mon tout obligeant collègue M. Glédat; enfin, je pouvais utiliser la masse de maté'-iaux déjà ao-
PRÉFACE. XXX
amulés dans les travaux de détail où il devait m'être facile de puiser à mains pleines*.
Peut-être donc serais-je parvenu à remplir mon programme primitif, si une ambition plus haute, qui m'avait pris en che- min, ne m'avait amené à modifier ce programme.
A l'École normale déjà, quand je suivais les leçons de la Sor- bonne et de l'école des Hautes Études, qui développaient peu à peu en moi le goût des recherches grammaticales, il m'était sou- vent arrivé de songer à nos camarades de province, qui moins fortunés que nous, égarés dans des Facultés encore insuffisam- ment outillées ou professeurs dans des collèges lointains, devaient, sans guides et presque sans livres, les uns apprendre la grammaire historique, les autres, ce qui est plus difficile encore, l'enseigner sans la savoir. En effet la précieuse gram- maire du vieux français de M. Clédat n'existait pas à cette épo- que. Les ouvrages de Brachet, quoique fort utiles encore, avaient un peu vieilli. Les commençants n'avaient donc le choix qu'entre des traités trop vastes, comme ceux de Diez, où ils risquaient de se perdre, et les thèses, brochures et articles de revues où la science se trouve disséminée et un peu émiettée. J'estimais alors les services que pourrait rendre un manuel,
1 . Je n'ai pas cru pouvoir, au cours de cet ouvrage, indiquer tous les travaux dont je me suis servi, non pas que je voulusse dissimuler mes emprunts, mais seulement parce que j'estimais que le caractèrQ du livre ne permettait pas d'y introduire de nombreux renvois. Je ne puis pas ici non plus, sans faire une bibliographie générale, nommer tous ceux envers lesquels j'ai contracté des dettes; je citerai seulement parmi les principaux : Littré, Godefroy, Brachet, Chabaneau, Darmes- teter, G. Paris, L. Gautier, Clairin, Benoist, de Meyer, Ayer, Scheler, en France, en Suisse et en Belgique ; Diez, Tobler , Ebering, Kœrting, Foth, Mâizner, Budsinsky, Otto Knauer, en Allemagne. Je dois une nontion particulière aux études de Riese, Tœnnies, Grosse, Schuth e( Solter, qui m'ont fourni beaucoup d'exemples tirés de Froissart, Gom- mynes, Calvin, d'Aubigné et Rolrou.
''' ^" PRÉFACE.
fait k l'image d'autres manuels parus dans ces dernières années,
qui ont été fort critiqués, mais aussi fort lus et fort étudiés, si
bien que de temps k autre je songeais à faire ce livre qui
manquait.
Ce sont ces pensées à la fois charitables et prétentieuses qui, me revenant plus tard, m'ont conduit, pendant que je faisais mon précis, à renoncer étourdiment au plan que j'avais conçu tout d'abord et à transformer mon abrégé en un traité plus complet. J'avais alors « l'âge des longs espoirs et des vastes pensées », et j'oubliai de considérer si la tâche ainsi alourdie allait encore à mes épaules.
Mais ces réflexions aussi amères que sages ne viennent à l'esprit que quand on a heurté quelquefois sa témérité aux obstacles de la vie et fait la douloureuse expérience des choses. Spécialement elles accourent en foule au moment où Ton est près de signer son œuvre et que l'on compare au livre qu'on avait rêvé l'ébauche qu'on a faite, ne se sentant ni le cou- rage d'énumérer tous les défauts qu'on lui connaît, ni le goût de faire valoir les mérites qu'on lui suppose.
Saint-Dié-des- Vosges, le 18 août 1886.
Ferdinand BRUNOT
Je dois, avant de terminer, adresser des remercîments très mérités à M. Hovasse, maître répétiteur au lycée de Lyon, qui m'a très utile- ment aidé dans la partie matérielle de ce travail et en qui j'ai trouvé un collaborateur aussi intelligent que dévoué.
AVERTISSEMENT
DE LA TROISIEME EDITION
Cette édition ne diffère des précédentes par aucun change- ment important. Il ne m'a pas été possible de remanier mon livre comme je l'aurais voulu, je me suis borné à faire dispa- raître un certain nombre d'erreurs matérielles et à modifier sur quelques points la rédaction primitive.
J'y ai ajouté toutefois, dans une intention qu'il n'est pas besoin de justifier, une courte notice bibliographique, qui rendra, je l'espère, quelques services aux étudiants. Elle est destinée à ceux qui, après avoir appris les premiers éléments de grammaire historique, désireront étendre et approfondir leurs connaissances. Je leur donne, en suivant Tordre même de mon précis, la liste des principaux livres qu'ils devront consulter sur chaque point. Cette liste est loin d'être com- plète, et avant d'entreprendre un travail personnel, il sera bon de se renseigner ailleurs et de s'assurer que le sujet n'a pas été traité ou touché déjà. On se reportera pour cela à V Encyclopédie de Kôrting, dont nous parlons plus loin, aux Bibliographies qui paraissent dans les principales revues fran- çaises et allemandes, et au Catalogue systématique des pro^ grammes et des thèses concernant la philologie romane.,, de Varnhagen (2* édition, revue par Martin, Leipzig, 1893, en allemand, p. 34-U5).
Le nombre des ouvrages qu'on y trouve mentionnés est con-
BRUNOT. c
XXXIV AVERTISSEMENT.
sidérable. Toutefois, beaucoup de ces ouvrages, quelques-uns môme de ceux que j'ai dû citer à défaut d'autres, sont à recom- mencer ; il en reste une foule, et de très utiles, à écrire, et le plus modeste travailleur doit se convaincre qu'il a devant lui une vaste étendue à défricher, si bien qu'il y a place non seu- lement pour les esprits puissants qui feront la synthèse des résultats, mais pour les chercheurs plus humbles qui voudront apporter leur part de travail à l'œuvre commune.
Leur collaboration peut être très féconde, à condition cepen- dant qu'ils se tiennent au courant des résultats acquis et des méthodes déjà éprouvées par les maîtres. Puisse la lecture de ce petit catalogue fortifier en eux l'idée qu'il est au moins utile, sinon nécessaire pour cela, de savoir l'allemand I
NOTICE BIBLIOGRAPHIQliE
Afin de rendre les recherches aussi faciles que possible^ j'ai donné les titres en entier, ou du moins assez complets pour qu'il ne puisse se produire aucune confusion. Les rares abréviations qu'on rencontrera sont très simples : fr. = français ; frz. = franzôsisch. ; Ztschft. = Zeitschrift ; Diss. = Dissertation ; Progr. = Programm. J'appelle l'attention sur ces deux mots, car beaucoup de nos bibliothèques clas- sent à part les dissertations (thèses) et les programmes (travaux joints en Allemagne au programme des cours d'un gymnase ou d'une école); il faudra donc reproduire ces indications sur les bulletins de demande, j'ai du reste cité fort peu de programmes, le plus grand nombre de ceux que j'ai lus étant sans intérêt.
Observation importante. Pour trouver l'indication des travaux pu- bliés sur une époque ou sur un auteur, il ne suffira pas de chercher à un seul endroit. Les ouvrages d'ensemble sont relativement rares, et les grammairiens ont le plus souvent étudié, non pas toute la langue îï'une époque ou d'un écrivain, mais le vocabulaire seulement ou la grammaire, ou une partie de la grammaire, par exemple la syntaxe de cet écrivain. Beaucoup même se bornent à une partie de la syntaxe. Ainsi Leander a étudié dans Rabelais l'infinitif (Lund, 1871); Radisch, les pronoms (Leipzig, 1878); Orlopp, l'ordre des mots(Iéna, 1888). Outre qu'il n'entrait pas dans mon plan d'énumérer toutes les micrographies de ce genre, je n'ai pas réuni celles que j'ai pu indiquer à l'endroit où il est question en général de la langue de Rabelais. Elles sont disper- sées dans les chapitres auxquels elles se rapportent: l'une à l'infinitif, l'autre aux pronoms, ainsi de suite. C'est là qu'on les trouvera ou que sera donné le moyen d'en découvrir l'existence dans les recueils de Kôrting et de Varnhagen.
Ouvrages généraux.
G. Kôrting, Encydojoàdie iind Méthodologie der romani- schen Philologie, Heilbronn, 3 vol. in-8° et un complément, 188(1-1888 (ouvrage que tout étudiant doit apprendre à manier ; chaque chapitre est suivi de nombreuses références
ixxvi NOTICE T;1BLI0GRAPIIIQUE.
bibliographiques [en petit texte], auxquelles nous renverrons constamment).
G. Grôber, GnmdiHss der romanischen Philologie^ Stras- bourg, 1888 et suiv. (Manuel d'une haute valeur, dans lequel on trouvera, exposés par les spécialistes étrangers les plus compétents, les principaux résultats et les méthodes de la philologie contemporaine. Courtes notes bibliographiques à la suite des chapitres. Index. — Le tome II, relatif aux litté- ratures romanes, est en cours de publication.) La partie con- sacrée au français et au provençal a été traduite sous ce titre : Le français et le provençal^ par H. Sucrier, trad. par MoNET, Paris, 1891.
Fr. Diez, Grammaire des langues romanes^ traduite par Bra- CHET et G. Paris, Paris, Franck 1873 et suiv. (ouvrage capital, comme on sait, duquel date une nouvelle ère dans l'histoire de ces études. La première édition allemande a paru de 1836 à 1843).
Meyer-Lûbke, Grammaire des langues rom^anes^ traduite par E. Rabiet, Paris, 1890. Le tome I (Phonétique) est achevé; le tome II est sous presse.
Revues.
Romania, publiée par G. Paris et P. Meyer, Paris, depuis 1872 (exclusivement consacrée au moyen âge) ; Bibliothèque de l'École des Chartes^ depuis 1839 ; Revue des langues roma- nes^ Montpellier et Paris, depuis 1870 [consacrée surtout aux dialectes du Midi]; Revue de Philologie française (d'abord Revue des Patois}^ publiée par L. Glédat, Paris, depuis 1887; Revue d'histoire littéraire de la France^ Paris, depuis 1894; Revue celtique de Gaidoz et d'ARBOis de Jubain ville, depuis 1870 ; Mémoires de la Société de linguistique de Paris, de- puis 1868; Jahrbuch fur romanische und englische Litte- ratur de Ebert, 1859-1871, suite du même par Lemcke, Leipzig, 1874-1876 ; Zeitschrift fur romanische Philologie^ de Grôber, depuis 1876 (recueil très important, bibliographies excellentes) ; Archiv fur das Studium der neueren Sprachen, de Herrig, Brunswick, depuis 1846 ; Zeitschrift fur fran- zôsische Sprache und Litteratur, de Behrens, Berlin, depuis 1879 ; Franco-Gallia (anciennement Gallia), de Kressner, Wolfenbiittel, depuis ISSk.Lemoye^iâge, deWiLMOTTE, 1888 et
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. xxxvii
suiv. Litteraturhlatt fur germanische und romanische Phi- lologie, depuis 1880; Archivio glottologico, d'AscoLi, Rome, Turin et Florence, depuis 1873 ; Giornale di filologia romanza depuis 1878; Modem languages notes, Elliot, Baltimore, 1886 et suiv.
Recueils.
Romanische Studien, de Bohmer (Abrév. : Roman. Stud.) ; Ro- manische Forschimgen, de Vollmôller, Erlangen ; Franzô- sische Studien, de Korting et Koschwitz, Heilbronn (Abrév.: Frz. Stud.).
LIVRE I
HISTOIRE DE LA LANGUE
Sur l'histoire de la langue en général on peut encore lire avec quelque fruit le livre de F. Wey, Histoire des révolutions du langage en France, Paris, 1848. U histoire de la' langue française, de Littré, Paris, Didier, est un recueil d'articles détachés, qui traitent de littérature aussi souvent que de grammaire. Le premier fascicule de la Grammaire historique de Darmesteter, Paris, Delagrave, 1893, renferme un excel- lent résumé de l'histoire « interne et externe » du français.
Le gaulois. — Joh. Gasp. Zeuss, Grammatica celtica, Berlin, 1871 ; Ernst Windisch, Keltische Sprachen, dans Ersch et Gruber : Encyclopàdie, section II, xxxv. Du môme : Keltische Sprache, dans le Manuel de Grober, 1, 283-312 ; Thurneysen, Keltoromanisches, Halle, 1884; d'Arbois de JuBAiNviLLE, Etudcs grammaticalcs sur les langues celti- ques^ Paris, 1881 ; Gaidoz, Revue celtique [depuis 1870] ; De Belloguet, Ethnogénie gauloise^ 2^ édition, Paris, 1872. Le dernier auteur qui ait soutenu que le français est d'ori- gine celtique est Granier de Gassagnac, Histoire des ori- gines de la langue française, Paris, 1872; I'Abbé Espagnolle, Origine du français, 1886-1890, le rattache au grec.
La conquête romaine. — Budinszky, Die Ausbreitung der lat. Sprache ilber Italien und die Provinzcn, Berlin, 1881 ; Desjardins, La Gaule Romaine, tome II, Paris, 1878; Mommsen, Histoire romaine.
XXXVIII NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
Les invasions germaniques. - Kluge, Romanen und Ger- manen in ihren Wechselbeziehungen^ dans Grôber, I, 383 ; D'Arbots de Jubainville, La langue franque^ le vieux haut- allemand et la langue française, dans Romania.l, 129; Neu- MANN, Die germanischen Elemente im Provenzalischen und Franzôsischen..., Berlin, 1876, Diss. ; Mackel, Die germani- schen Elemente im Altfranzôsischen und Altprovenzalischen, 1884, Diss. ; Waltemath, Die frankischen Elemente in der franzôsischen Sprache, Strasbourg, 1885, Diss. ; Sûpfle, Geschichte des deuischen Cultureinflusses àuf Frankreich., Gotha, 1886, tome I [cf. Kôrting, III, 49-50 et pour toutes les questions germaniques l'excellent ouvrage de H. Paul, Grundriss der germanischen Philologie, 1889 et suiv.].
Latin populaire. — Wilhelm Meyer, Die lateinische Sprache in den romanischen Làndern, dans Grôber, I, 351 ; Sciiu- CHARDT, Vokalismus des Vulgàrlateins, 1866-1868 (page 40- 44 du tome I, l'auteur cite et apprécie les travaux antérieurs); Seemuann, Die Aussprache des Lateins 1885; Grôber, Vid- gàrlateinische Substrate rom,anischer Wôrter, et Sprach- quellen und Wortquellen des lateinischen Wôrterbuches, dans r « Archiv fur lateinische Lexikographie », I et III (comparez du reste tout ce recueil); Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours, Paris, 1890; Neue, Lateinische For- menlehre, 2" édition, Stuttgart , 1875-1877 ; G. Kôrting, Lateinisch-Romanisches Wôrterbuch, Paderborn, 1891 ; SiTTL, Die lokalen Verschiedenheiten der lateinischen Spra- che, 1882 (pauvre de faits); Geyer, Beitràge zur Kcnntniss des gallischen Lateins {Archiv fur lat. Lexicogr. II, 25-47).
Le roman. — Grôber, Die Eintheilung und àussere Geschichte der rnm,anischen Sprache?!, dans son manuel 1, 415; G. Paris, Romani, Romania, dans Romania, I, 1.
Langue d'oc et langue d'oïl. — Tourtoulon et Bringuier, Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl (Paris, 1885, Imp. Nat.). Sur la question des dialectes franco-provençaux, v. Ascoli (Archivio glottolo- gico, III, 1878, p. 61), P. Meyer, dans Romania, IV, p. 294, et Ascoli, Archivio, II, 385.
Dialectes. — G. Fallot, Recherches sur les formes grammati- cales de la langue française et de ses dialectes au xii* siècle
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. xxxix
(livre vieilli); Voyez dans Suchier, Le français et le proven- çal, trad. MoNET, p. 63 et suiv., G. Vhm^^ Saint- Alexis, pré- face, p. 40, Paris, 1872, Lucking, Die àltesten franzôsiscken Mundarten, Berlin, 1877, comment la question est aujour- d'hui posée. Kôrling, III, 40, a donné la liste des monogra- phies relatives aux anciens dialectes. Cf. Suchier (ouvr. cité, p. 90).
Patois. — Sur la manière de les étudier et l'intérêt de ces études, V. la lecture faite par G. Paris à la réunion des Sociétés savantes le 26 mai 1888 sur les Parlera de France (Impri- merie Nationale). Pour la bibliographie, je renvoie à Behrens, Bibliographie des patois gallo-romans .^ traduit sur la 2^ édi- tion par E. Rabiet, Berlin, Gronau, 1893, et à Suchier, Le français et le provençal, p. 90 et suiv.
Ancien français. — Dictionnaires. — V. Kôrting, III, 164 c. — F. Godefroy, Dictionnaire de Vancienne langue française et de tous ses dialectes du neuvième au quinzième siècle, 10 vol. in-4% Paris, 1879 et suiv. Le corps même du Diction- naire est fini, l'auteur commence le Supplément; Bos, Glos-- saire de la langue d'oïl, Paris, Maisonneuve, 1891, 1 vol. in-8°; Burguy, Grammaire de la langue d'oïl, tome lïl ; Lacurne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de Van- cien langage français, Niort, 1875-1882, 10 vol. (ouvrage compilé au siècle dernier, encore utile quelquefois); L. de Laborde, Glossaire français du moyen âge à l'usage de Varchéologue et de V amateur des arts, Paris, 1872. Du Gange, Glossaire français, avec les additions de Henschel dans le Glossarium médise et infimae latinitatis, Niort, Favre, 1887. Le Glossarium latin lui-même reste toujours un recueil de premier ordre pour ceux qui étudient le français du moyen âge. Roquefort, Glossaire de la langue romane, Paris, 1808-1820. 2 vol. avec Supplément (vieilli).
Grammaires. — Glédat, Grammaire de la vieille langue fran- çaise, Paris, 1885; E. Schwan, Grammatik des Altfranzôsi-- schen, Leipzig, 1893, 2' édition; Burguy, Gram^maire de la langue d'oïl, Berlin, 1879, 3* édition (ouvrage considérable, mais peu au courant). Une grammaire de l'ancien français, de Suchier, a commencé à paraître à Halle, en 1893.
On consultera avec fruit: P les aperçus grammaticaux con- tenus dans les Chrestomathies de Clédat, Morceaux choi-
XL NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
sis des auteurs français du moyen âge, Paris, Garnier; Bartsch, Chrestomathie de Vancien français, Elberfeld, 1881, 5* édition; Fôrster et Koschwitz, Altfrz. Uebungs- buch, Heilbronn, 188(i.
2° Les études qui accompagnent un grand nombre d'éditions modernes d'œuvres du moyen âge, telles que le Saint Alexis de G. Paris, déjà cité; les Extraits de la Chanson de Roland, du même; la Chanson de Roland, de Léon Gautier; le Join- ville de N. de Wailly, Paris, 187^1 ; celui de Delboulle, Paris, Dupont, 1883; Aucassin et Nicolette de Suchier, Pader- born, 1883, etc., etc.
Voir la liste de ces éditions dans Kôrting, III, 310-336, et Supplément, 125-132. L'ordre est alphabétique.
3° Les monographies détachées relatives à certaines époques et à certaines œuvres, telles que : Koschwitz, Commentar zu den àltesten frz. Sprachdenkmàlern (fascicule 10 de VAlt- franzôsische Bibliotek de Fôrster, Heilbronn, depuis 1879); N. DE Wailly, Mémoire sur la langue de Joinville, 1868, Paris; Friedwagner, Ueber die Spracheder altfrz. Helden- gedichteHuon de Bordeaux, Paderborn, 1891 ; Otto Knauer, Beitràge zur Kenntniss der frz. Sprache des xiv**" Jahrhun- derts, dans le Jahrbuch de Lemcke, XII, 155, et XIV, 247, 401 ; Jordan, Metrik und Sprache Rutebuefs^ Gôttingen, 1888, Diss.; ZwicK, Uber die Sprache des Renaut von MontaubaUj Halle, 1884, Diss. ; Breuer, Sprachliche Untersuchung des Girart de Rossillon, Bonn, 1884, Diss.; Krull, Gui de Cam- brai, eine sprachliche Untersuchung, Cassel, 1887.
On trouvera l'indication de ces très nombreuses publica- tions dans Kôrting, qui mentionne, à côté des éditions, les travaux grammaticaux auxquels les textes ont donné lieu (III, 310-336 et 125-132). Ces travaux sont de valeur très iné- gale; beaucoup sont des thèses de doctorat, œuvres de débu- tants qui n'ont pu mettre au service de la science que leur zèle.
Seizième siècle. — Il n'existe pas d'autre travail d'ensemble que celui de Darmesteter et Hatzfelddans : Le seizième siècle en France, Paris, Delagrave (sommaire, mais excellent); A. Brachet, Morceaux choisis du xvi* siècle ; Sur les écri- vains antérieurs à Ronsard, voir Eckardt, Ûber Sprache und Grammatik Clément MaroVs mit Berûcksichtigung einiger
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE, xli
anderer Schriflsteller des xvi'*" Jahrhunderts, dans VArchiv de Herrig, XXIX, fasc. 2 et 3 ; Brunot, De Philiberti Bugnonii vita et eroticis versibus. Lyon, 1891 (relatif à l'école de Scève). Une étude sur la langue de Rabelais sera publiée par M. Marty-Laveaux à la suite de son édition.
Premiers grammairiens. — On en trouvera la liste avec les renseignements nécessaires dans Stengel, Chronologisches Verzeichniss frz. Grammatiken, Oppeln, 1890; Thurot, His- toire de la prononciation française ^ Paris, 1881, I, et suiv., donne une liste des écrits de toutes sortes sur la langue qu'il a consultés, avec quelques indications sur leurs auteurs; LivET, La Grammaire française et les grammairiens, Paris, 1850, analyse utilement plusieurs de ces ouvrages très rares. Pillot a été étudié par Loiseau, Paris, 1866, et Stengel, Zeitschrift fur frz. Sprache, XII, 257. Sur Ramus, voir Waddington, Ramus, 1855.
Influence italienne. — Rathery, Influence de Vltalie sur les lettres françaises, Paris, 1853 (vieilli, mais non remplacé); Feugère, en tète de la réimpression du livre de Henri Estienne, La conformité du langage français avec le grec, Paris, •1853; H. Estienne, Dialogues du nouveau langage françois italianizé, éd. Ristelhiiber, 1886. J'ajoute ici : Lanusse, Influence du dialecte gascon sur la langue fran- çaise, Paris, 1893.
La Pléiade.— Person, Introduction de son édition de Du Bellay, Deffense et illustration de la langue françoise, Paris, 1878 ; Dor, Ronsardus quam habuerit vim ad linguam franco- gallicam excolendam, Bonn, 1863, Diss. ; Nagel, Die Bil- dung und die Einfûhrung neuer Wôrter bei Baïf, unter gleichzeitiger Berûcksichtigung derselben Erscheinung bei Ronsard, du Bellay und Remy Belleau. Herrig's Archiv, LXI, 201 suiv.
Ces ouvrages et les quelques autres qui ont été publiés jusqu'ici sur ce sujet vont être très prochainement complétés par un volume de M. Marty-Laveaux, sur la Langue de la Pléiade, qui fera suite aux textes publiés par lui chez Lemerre. M. Mellerio a également sous presse un Lexique de Ron- sard.
Montaigne a été étudié par Voizard. Étude sur la langue
xLii NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
de Montaigne, Paris, 1885. Cf. Sghûth, Studien zur Spror- che d'Aubignê's^ léna, 1883.
Dix-septième siècle. — Il n'existe aucun travail d'ensemble, sauf Bouvier, Des perfectionnements que reçut la langue française au xvir siècle, Bruxelles, 1853 (couronné, mais insuffisant).
Malherbe. — Beckmann, Étude sur la langue et la versifica- tion de Malherbe, Bonn, 1872, Diss. ; Régnier, Introduction grammaticale de son Lexique de Malherbe dans l'édition La- lanne, Paris, 1869; F. Brunot, la Doctrine de Malherbe d'après son Commentaire sur Desportes, Paris, 1891.
Les salons. — Somaise, Le dictionnaire des Précieuses, éd. Livet, Paris, 1856, Jannet; Gh. Livet, Précieux et Pré- cieuses, Paris, 1859; Roy, La vie et les œuvres de Ch. Sorel, Paris, 1891, p. 272 et suiv. Id.. De Joh. Lud. Balzacio, Paris, 1892.
L'Académie. — Pellisson et d'Olivet, Histoire de C Académie française, avec des notes par Livet, Paris, 1858; on y trouve la réimpression de pièces comme la Requête des diction- naires, le Rôle des présentations, etc.
Les grammairiens, Vaugelas. — On trouvera la liste de leurs ouvrages dans Thurot et Stengel, comme nous l'avons indi- qué plus haut. Gomp. Vaugelas, éd. Ghassang, Paris, 1880; MoNCouRT, De la méthode grammaticale de Vaugelas, Paris, 1851; Urbain, Nie. Goeffetau, Paris, 1893, p. 290; Doncieux, Un jésuite homme de lettres au xvii" siècle, Bouhowrs, Paris, 1886.
Les idées des théoriciens sur l'usage ont été recueillies par Thurot, ouvr. cité, I, lxxxvii et suiv.
Les grands écrivains. — Les éditions qui ont été publiées chez MM. Hachette sont accompagnées d'un Lexique précédé lui-même d'une introduction grammaticale. Ont paru : les lexiques de Corneille (Marty-Laveaux), La Rochefoucauld (H. Régnier), Sévigné (E. Sommer), Racine (Marty-Laveaux), La Bruyère (Ad. Régnier fils), La Fontaine (H. Régnier], ce dernier très inférieur aux précédents. Cf. Godefroy, Lexique comparé de la langue de Corneille, 1862, oti se trouvent in- sérés de véritables mémoires grammaticaux ; Génin, Lexique de la langue de Molière, Paris, 1846 (vieilli).
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. XLin
Dix-huitième et dix-neuvième siècles. — En dehors des ou- vrages cités de Stengel et Thurot, voy. Vernier, Voltaire grammairien et la grammaire au xviii* siècle, Paris 1888, court, mais substantiel ; François Thurot, Discours, en tête de la traduction de V Hermès de Harris, messidor an IV; Fergus, La langue française avant et après la Révolution^ dans la Nouvelle Revue, 15 mars et P"^ avril 1888; Fr. Wey, Remarques sur la langue française au xix" siècle, Paris, 1845,
Limites actuelles de la langue française. — Suchïer, Le fran* çais et le provençal, traduit par Monet, Paris, 1891, chap. p, on y trouvera, page 20, la bibliographie du sujet.
LIVRE II
PHONÉTIQUE.
Phonétique descriptive et prononciation actuelle du français,
— P. Passy, Les sons du français, leur formation, leur combinaison, leur représentation, Paris, 1887; Pierson, Métrique naturelle du langage, Paris, 1884; Vietor, Ele- mente der Phonetik und Orthoepie des Deutschen, Englis- chen und Franzôsischen, 1884.
Malvin-Gazal, Prononciation de la langue française au xix^ siècle, Paris, 1847; Koschwitz, Zur Aussprache des Franzôsischen in Gerif und Frankreich, Berlin, 1892; P. Passy, Le français parlé. Morceaux choisis avec la pro- nonciation figurée, Heilbronn, 1886; Lesaint, Traité de prononciation française, 1871. La plupart des dictionnaires importants figurent la prononciation des mots. Il y a lieu de se défier parfois de leurs indications, même de celles de Littré. L'Académie s'est toujours refusée à donner une pro- nonciation officielle. La phonétique descriptive expérimen- tale a été inaugurée par les travaux de l'abbé Rousselot (V. Les modifications phonétiques du langage dans le patois de Cellefrouin, Paris, 1891).
Phonétique historique. — Beaucoup de petits traités, mais la plupart arriérés et inexacts. Une phonétique complète du français reste à faire. Voir dans la r* partie de la grammaire de Suchier dont j'ai parlé plus haut: Die Lautentwickelung
xuv NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
der franzôsiachen Sprache von der Romanisierung Galliens bis ZUT Gegenwart.
Voyez l'exposé des principales lois dans Bourciez, Précis de phonétique^ Paris, 1889 ; dans les grammaires indiquées plus haut de Darmesteter, Schwan et Suchier, et aussi dans les grammaires romanes de Diez et Meyer Lûbke. Sur les changements survenus depuis le xvr siècle, voir l'ouvrage capital de Thurot, Histoire de la prononciation française depuis le xvr siècle^ d'après les témoignages des grammai- riens, Paris, 1881-1883. Excellent index. Cf. Koschwitz, Grammatik der neufrz. Schriftsprache (16-19 Jahrhund.) 1889 et suiv.
En outre, la phonétique du français et de ses dialectes à différentes époques a été étudiée à propos d'une foule de textes récemment publiés. Voyez : 1° les éditions de Saint- Alexis (G. Paris), Roland (Id.), Li dis dou vrai aniel (To- bler), etc., etc.... Liste dans Kôrting, III, 307, et Complé- ment, 125-132.
2° Une foule d'études détachées, telles que : LtJcKiNG, Die àltesten franzôsischen Mundarten, Berlin, 1878; Haarseim, Vocalismus und Consonantismus im Oxforder Psaller {Romanische Studien, IV, 273) ; d'Arbois de Jubainville, La plus ancienne phonétique française {Romania, I, 318 et suiv.); Metzke, Der Dialect von Isle de France im 13'"" et 14*'" Jahrhundert, Breslau, 1881; 0. Knauer, Beitrdge zur Kenntniss der frz. Sprache des 1V°' Jahrhunderts (Jahrbuch, tomes XII et XIV).
3° Certains faits phonétiques particuliers ont été étudiés soit à travers toute l'histoire de la langue, soit dans une période ou un texte déterminé. De là un très grand nombre de monographies publiées à part ou parues dans des Re- cueils, particulièrement dans la Remania et la Zeilschrift de Grôber. Citons à titre de spécimens :
G. Paris, Étude sur le rôle de l'accent latin dans la lan- gue française, Paris, 1862; Ten Brink, Dauer und Klang, 1879 ; Cornu, Glanu/res phonologiques {Romania, VII, 353) ; Clèd AT, Questions de prononciation, voyelles longues et brè- ves, ouvertes et fermées {Annuaire de la Faculté des Let- tres de Lyon, 1" année); Hossner, Zur Geschichte der unbe- tonten VokakimAU- und Neufranzôsischen^ Freiburg, 1886
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. xlt
Diss.; G. Paris, Ancien français ie = fr. moderne é {Ro- mania, IV, 122) \ Bôhmer, A, e, i, im Oxforder Roland {Ro- man. Siudien^ I, 599) ; Engelmann, Ueber die Entstehungen der Nasalvocale im Altfrz. Halle, 1882; P. Meyer, Phoné- tique française, an et en toniques {Mém. de la Soc. de Lin- guistique de Paris, i) ; Sucrier, Zur Lautlehre der Strass- burgerEide {Jahrbuch, XIII, 383) ; P. Meyer, Le vocalisme des serments de Strasbourg {Romania, III, 371) ; Fôrster, Schick- sale des lateinischen o im Franzôsischen {Roman. Studien, III, 174) ; G. Joret, Ducdans les langues romanes, Paris, 1874 ; Ulbrich, Ueber die vocalisirten Consonanten des Altfranzô- sischen {Ztschft. fur roman. Philologie, II, 522) ; L. Havet, français r = d, dans Romania, VI, 321 ; Sûpfle, De Vh ini- tiale dans la langue d'oïl. Gotha, 1867, Progr. ; etc., etc.
Pour trouver l'énumération de ces innombrables études, dont quelques-unes ont une très grande importance, on se reportera à Kôrting, III, 135-139 et complément 116-117, à un travail de Neumann dans PEncyclopédie de Schmid, VII, 2 : Die romanische Philologie, 1886, et enfin aux listes données dans le Litteraturbtatt fiir romanische und germa- nische Philologie. Il paraît à Marbourg un recueil de phoné- tique : Phonetische Studien^ sous la direction de W. Vietor.
Étymologie. — Scheler, Dictionnaire d'étymologie française^ 3* édition, Bruxelles et Paris, 1888; G. Korting, Lateinisch romanisches Wœrterbuch, Paderborn, 1891 (chercher les mots français dans l'index placé à la fin du volume et se reporter au numéro) ; Darmesteter, Hatzfeld et A. Thomas, Dictionnaire général de la langue française (en cours de publication ) ; Schotensack , Franzôsisch - etymologisches Wôrterbuch, Heidelberg, 1890 et suiv. (Littré, Diez et Brachet ont vieilli); Génin, Récréations philologiques, 2^ édition, Paris, 1858, et Nisard, Curiosités d'éiymologie française, 1863, sont souvent cités en France, mais doivent être lus avec une extrême précaution.
Écriture. — Frou, Manuel de paléographie, Paris, 1890; N.de Wailly, Éléments de paléographie, Paris, 1888; Chassant, Dictionnaire des abréviations latines et françaises, Paris, 1862; Wattenbach, Das Schriftwesen im Mittelalter, 2° édi- tion, Berlin, 1875. J'ajoute ici, bien qu'il soit d'une portée très générale, le Manuel de diplomatique de Giry, Paris,
xLvi NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
189^, où l'on trouvera toutes sortes de renseignements pré- cieux sur les documents du moyen âge et les questions qui s'y rapportent.
Orthographe. — Firmin-Didot, Observations sur V orthographe ou orthographie française suivies d'une histoire de la réforme orthographique depuis le xy" siècle, 2' édition, Paris, 1868 ; Baoux, La réforme de V orthographe française dans la Ztschft. fiir Orthographie, I, 1 ; Darmesteter, La question de la réforme orthographique dans ses Reliques scientifiques^ II, 295); Havet, La simplification de V orthographe, Paris, 1890; Clédat, Revue de philologie^ passim, depuis 1889.
LIVRE III
LEXICOLOGIE
Dictionnaires historiques. — Litt-ré, Dictionnaire delà langue française, Paris, 1873; Delbotjlle, Matériaux pour servir à r histoire du français, Paris, 1880.
Pour les mots commençant par A et B, voyez le Diction^ naire historique de l'Académie française (1858 et suiv.).
La Bibliothèque de l'Inslitut possède un immense recueil de près de 100 volumes compilés par Pougens, en vue d'un Dictionnaire historique. Littré a tiré grand profit de ce ma- nuscrit.
Dictionnaires de l'ancien français. (V. à Ancien français^ p. 33, les ouvrages de Godefroy, Bos, Lacurne de Sainte- Palaye, Ducange, Roquefort.)
Un grand nombre de recueils d'anciens textes, d'éditions ou d'extraits contiennent un lexique. (V. Constans, Chresto- mathie; Clédat, Morceaux choisis; L. Gautier, Chanson de Roland-, de Wailly, Villehardouin, Joinvillc, Paul Meyer et LoNGNON, Raoul de Cambrai', Scheler, Froissart, J. Normand et G. Haynaud, Aïol; Bonnardot, Miracles de Noslre-Dame, etc., etc. (Voyez en particulier la Collection de la Société des anciens textes français, à laquelle appartien- nent ces trois derniers ouvrages.)
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. xlvii
Dictionnaires du français moderne.
XVP siècle. — Rob. Estienne, Dictionnaire françois-latin^ Paris, 1539, 2" édition, 1549 (Cf. du même auteur le Dic- tionnaire latin-françois, 1546). Id., corrigé et augmenté par J. Thierry, Paris, 1564 et 1572. Id., augmenté des observa- tions de Nicot, 1 58^ .
NicoT, Thresor de la langue françoise, Paris, 1606; Got- GRAVE, A Dictionary of the French and English longues^ Paris, 1611 (fait par un étranger et très inférieur au précé- dent). Ces deux lexiques serviront également à étudier la langue du xvi^ siècle et celle du commencement du xvii^ siècle.
Sur les grandes modifications apportées par le xvi' siècle au vocabulaire, v. plus haut à l'article La Pléiade.
Il a été publié séparément quelques glossaires d'auteurs de cette époque, tels que celui de des Periers, par F. Franck et Chennevière, Paris, 1888.
Mais la plupart sont joints aux éditions données dans ces dernières années. V. L'ancien Théâtre français^ tome X, de la Bibl. elzévirienne; Montaigne, de Courbet et Royer; Bran- tôme de Lalanne, etc.
XVII^ siècle. — Après Nicot et Cotgrave, peu de travaux lexi- cologiques importants jusqu'à la fm du siècle. Voir les noms dans mon ouvrage sur Malherbe, p. 253, et dans Thurot, Prononc.fr. ^\j xlviu et suiv. A consulter cependant Monet, Inventaire des deux langues françoise et latine, Lyon, 1635 ; A. OuDiN, Curiositez françoises, Paris, 1640, réimprimé dans le tome X de Lacurne de Ste-Palaye ; de Rochefort, Diction- naire général et curieux, Lyon, 1685 ; Richelet, Diction- naire françois, Genève, 1680, et A. Furetière, Dictionnaire universel, Rotterdam, 1690; deux recueils très importants, qui précèdent presque immédiatement le Dictionnaire de V Académie, Paris, 1694. Ce dernier, qui ne renferme que les mots de la langue littéraire, doit être complété par le Dictionnaire des termes d'art et de science de Thom. Cor- neille, qui parut la même année.
Personne, parmi les modernes, n'a publié de Dictionnaire spécial de la langue du xvn" siècle. Il faut, ou bien se repor- ter aux recueils de Littré et de Darmesteter, ou bien consul- ter les lexiques spéciaux des auteurs dont nous avons parlé p. xxxvii sous la rubrique Grands Ecrivains. Cependant,
XLvni NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
M. Livet a sous presse un très important Lexique de la lan- gue de Molière comparée à celle des écrivains de son temps.
Depuis 1694, les lexicographes ont été très nombreux, mais presque toujours préoccupés de donner un recueil châtié et non de représenter l'état exact de la langue à leur époque.
Citons les éditions successives du Dictionnaire de l'Acadé- mie, 1718, 1740, 1762, 1798 (faite en dehors de l'Académie, alors supprimée), 1835 et 1878 ; le Dictionnaire de Trévoux, dont la base est celui de Furetière ; le Dictionnaire gramma- tical de Féraud, 1761, et, depuis la Révolution, ceux de Boiste, 1800, Landais, 1837, Bescherelle, 1844, Poitevin, 1860. Le Dictionnaire général (voir § suivant) tiendra lieu de tous ceux-là.
XVII-XIX'' siècle. — Littré (déjà cité); Hatzfeld, Darmes- TETER et Ant. Thomas, Dictionnaire général de la langue française (en cours de publication), remarquable surtout par les définitions des mots et le classement des sens.
Synonymique. — Lafaye, Dictionnaire des synonymes de la langue française, Paris, 6» édition, 1893, renferme une his- toire des études faites sur ce sujet; Bourguignon et Bergerol, Dictionnaire des synonymes de la langue française, com,- prenant et résumant tous les travaux faits jusqu'à ce jour, Paris, 1884 ; Schmitz, Franzôsische Synonymik, Leipzig, 1883. 3' édition.
Mobilité du Lexiqne. Néologisme. — Voir Darmesteter, De la création actuelle des mots nouveaux dans la langue fran- çaise^ Paris, 1877, excellent ouvrage, où on trouvera (p. 1-40) une histoire très serrée du néologisme et des tentatives, vio- lentes ou non, faites depuis Ronsard pour enrichir le voca- bulaire.
Dérivation et composition. — V. l'ouvrage précédent et en outre, Egger {Mémoires de f Académie des Inscriptions, 1864, et Revue des langues romanes, 1874) : Les substantifs verbaux formés par apocope de IHnfinitif ; E. Etienne. De deminutivis , intensivis, collectivis et in malam partem abeuntibus nominibus in franco-gallico sermone, Nancy, 1883; CoHN, Die Sufftxwandlungen im Vulgàrlateinischen, Halle, 1891, Diss. ; Rothenberg, De suf/îxarum mutatione in lingua francogallicai Gôltingen, 1880, Diss.; A. Darmes-
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. xux
TETER, Traité de la formation des mots composés^ Paris, 1874. Ce livre dispense de tout autre sur la matière. Comparer cependant L. F. Meunier, Les composés qui contiennent un verbe à un mode personnel^ en français^ en italien et en espagnol. Paris, 1875 ; Charassin, Dictionnaire des racines et dérivés de la langue française^ dans lequel on trouve tous les mots disposés par familles, 1842. Sans valeur scientifique, mais commode comme recueil d'exemples.
Emprunts aux langues savantes. — V. Darmesteter, Création des m^ots nouveaux, p. 270 et suiv.
Noms propres. — Quicherat, De la formation fr. des anciens noms de lieux, Paris, 1867; Littré, Etudes et glanures, p. 197; Peiffer, Légende territoriale de la France, Paris, 1877, et Recherches sur l'origine et la signification des noms de lieux [France, Corse et Algérie), Paris, 1894; Ritter, Les noms de famille, Paris, 1875; Lorédan Larchey, Dictionnaire des noms (20 200 noms), Nancy et Paris, 1880.
Éléments basque, celtique, germanique, italien, anglais, orien- tal. — LuCHAiRE, De lingua aquitanica, Paris, 1876 ; Les origines linguistiques de l'Aquitaine, Paris, 1877 ; pour le celtique et le germanique, v. p. xxxii. Pour l'élément italien, V. p. XXXV. Pour les autres, Darmesteter o. c. 251. Cf. Bau- QuiER, De quelques mots slaves passés en français, Bulletin de la société d'Alais, 1877; Marcel Deyic, Dictionnaire éty- mologique des mots d'origine orientale (supplément à Littré), 1877; LouBENS, Recueil des mots français tirés des langues étrayigères, Paris, 1883.
Doublets. — Catherinot, Les doublets de la langue française, Paris, 1683 ; Brachet, Dictionnaire des doublets, 1868 ; Sup- plément, 1871.
Sens des mots. — Darmesteter, La vie des mots étudiée dans leurs significations, Paris, 2" édition, 1889 ; Lehmann, Ueber den Bedeutungswandel im Frz., 1884 ; Rosenstein, Die psy- chologischen Bedingungen des Bedeutungswechsels der Wôr- ter, 1884 ; Morgenroth, Zum Bedentungswandel im Fran- zôsischen {Zeitschrift fiirfrz. Sprache und Litteratur), 1893, XV, I.
BRUNOT.
L NOTICE BIBLIOGUAPllIQUE.
LIVRE IV FORMES ET SYNTAXE
!• Grammaire dogmatique. — L'ancienne école a produit en ce siècle des travaux considérables dont les principaux sont : GiRAULT-DuviviER, Grammaire des Grammaires, 1811; ouvrage très souvent réimprimé, et qui, corrigé par Le- maire, a été classique jusqu'à nos jours (Cf. Dessiaux, Eœa- men critique de la Gr. des Gr., Paris, 1832); Lemare, Cours de langue française; Bescherelle et Litais de Caux, Grammaire nationale; Poitevin, Cours théorique et pra- tique de langue française; Landais, Grammaire; Jullien, Cours supérieur de grammaire; Léger Noël, La grammaire française^.
Le meilleur traité dogmatique est celui de Ayer, Gram- maire comparée de la langue française, Paris et Neu- châtel, k" éd., 1885; Rabbinovicz, Grammaire de la langue française, Paris, 1887, donne des théories très nouvelles sur le verbe; Delbœuf et Roersch, Grammaire française, Liège, 1887 (plusieurs points de syntaxe traités d'une façon originale et philosophique). Aubertin, Grammaire moderne des écri- vains français, 4* éd., 1861 (à manier avec précaution), con- teste par des exemples une foule de théories et de règles arbitraires. On consultera encore utilement le Dictionnaire raisonné des difficultés grammaticales de Laveaux, 1818. Bastin, Glanur es grammaticales, Namur, 1893.
En allemand, les ouvrages de Màtzner, Franzôsische Grammatik, Berlin, 1856 et Franzôsische Syntax, 1843, souvent réimprimés, sont toujours importants à consulter. Deux bons manuels : Schmitz, Franzôsische Grammatik, Berlin, 1876, 3" éd.; G. Lûcking, Id., Berlin, 1883, 2' éd.
1. Je ne parle pas des petites grammaires classiques, connues de tout le monde, qui se sont succédé depuis Noël et Chapsal, et Boniface. Celle de Lemairo est claire et assez simple. Celle de Crouslé et celle de J. Clé- ment publiée par son fils, L. Clément, méritent le même éloge. A noter toutefois : Les Éléments de grammaire française, publiés à Liège par Delbœuf et Roersch (plein de vues ingénieuses et de remarques neuves et fines).
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. li
2» Grammaire historique. — V. Ancien français p. xxxix. Dar- MESTETER, CouTS de grammaire historique^ Paris (en cours de publication) ; Clédat, Gram^maire historique^ Paris, 1889; Chassang, Nouvelle gramm^aire française^ cours supérieur (quelques notions d'histoire de la langue); Suchier, Le fran- çais et le provençal, déjà cité (le plan est très philosophique) ; 1^^ ToBLER a rassemblé sous le titre de Vermischte Beitrâge toute ^K une série de monographies très pénétrantes, Leipzig, 1886.
Syntaxe historique. — V. Darmesteter, xvi" siècle en France; Hl'guet, La syntaxe de Rabelais comparée à celle des pro- sateurs de 1450 à 1550 (sous presse); Benoist, La syntaxe française eyitre Palsgrave et Vaugelas^ Paris, 1877; Haase, Franzôsische Syntax der xvii*"" Jahrhunderts^ Oppeln et Leipzig, 1888, avec des compléments dans la Zeitschrift fur franz. Sprache^ XI, 1, 203. Ce livre, dû à un des savants allemands qui ont le plus consciencieusement étudié l'histoire de notre syntaxe, de Villehardouin à Pascal, malgré quelques erreurs sur l'interprétation des textes, est bien fait et impor- tant à connaître. Il est regrettable que les références n'y soient pas données avec précision. KoscnwiTz a commencé une grammaire de la langue écrite du xvr au xix^ siècle. La phonétique seule a paru (voir p. xxxviii, § 3) *.
Une foule d'études de détail, telles que : Garlberg, Etude syntaxique de la Chanson de Roland^ Lund, 1875; Bastin, La syntaxe de Villehardouin [Revue de l'Instruction pu- blique en Belgique, XXVI, 240); Haase, Syntaktische Unter- suchungen zu Villehardouin u. Joinville, Oppeln, 1884; Ebering, Syntaktische Studien zu Froissart, Halle, 1881, Diss. ; Riese, Recherches sur Vusage syntaxique de Frois- sart, Halle, 1880, Diss.; P. Toennies, La syntaxe de Com- mines, Berlin, 1876. Diss.; Stimming, Die Syntax des Com- mines, Ztschft. fui ^.Aiian. PhiloL, I, 191 et 489; Grosse, Syntaktische Studien zu Jean Calvin, Herrigs'' Archiv, LXI, 1879; Haase, Zur Syntax Robert Garniers, Franz. Studien, V, i; LiST, Syntaktische Studien iiber Voiture, Ibid., I, 1; Haase, Bemerkungen zur Syntax PascaVs, Ztschft. fur fr.
1. Brachet, dans sa Grammaire historique, à laquelle je ne puis pas renvoyer, parce qu'elle n'est plus au courant de la science, a eu du moins le grand mérite, qu'on a souvent tort d'oublier, de vulgariser en France des études alors presque inconnues.
LTi NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
Sprache u. Litteratur, IV, 95. V. Kôrting, III, 273-278, et Supplément 119. Cf. ibid. à la suite des éditions d'auteurs, III, 312 et suiv.
Du nom. — A. Mercier, De neutrali génère quid factum sit in gallica Ungua, Paris, 1879; W. Meyer, Die Schicksale des lat. Neutrumsim Roman., Halle, 1883; Spelthahn, Das Geschlecht der franzôsischen Substantiva, Amberg, 1883 ; Sachs, Geschlechtswandel im Frz., Gôttingen, 1886, Diss. (cf. Kôrting, III, 254 et Complément, 119).
d'Arbois de Jubainville, De la déclinaison latine en Gaule à Vépoque mérovingienne, Paris, 1878. Cf. Revue Celtique, I, 320 ; Lebinsky, Die Deklination der Substantiva in der oïl-Sp^ache bis auf Crestien de Troyes, Breslau, 1878, Diss. ; Koschwitz, Der Vocativ in den àltesten frz. Sprachdenkmàlern {Roman. Studien, III, 493) ; Grïjnberg, Der objective Akkusativ in den àltesten frz. Sprachdenk- màlern {Roman. Forschungen, III, 517); Revillout, Le mot paire et les noms fr. qui n'ont pas de singulier {Rev. des l. romanes, XXIX, 133) ; Clairin, Du génitif latin et de la préposition de, Paris, 1880.
De l'adjectif. — Eichelmann, Ueber Flexion und Attributive Stellung des Adj. in den àltesten frz. Sprachdenkmàlern, Heilbronn, 1879, Diss.; Plathe, Entwickelungsgeschichte der einfôrmigen Adjectiva im Frz. (xi-xvi* s.), Greifswald, 1886, Diss.; Wôlfflin, Lateinische und romanische Corn- paration, Erlangen, 1879; Hammesfahr, Zur Comparation im Altfrz., Strasbourg, 1881, Diss.; Bergaigne, La place de l'adjectif épitkète en vieux fr. et en latin (Mélanges Graux, p. 533); This, Zur Adjektivstellung, dans la Zischft. fur frz. Spr. und Litteratur, 1894, XVP, 102; Cron, Die Stellung des Attributiven Adjektivs im Altfrz., Strasbourg, 1891, Diss.
Des noms de nombre. — D'Ovidio, I riflessi romanzi diviginti, Iriginta, etc. {Ztschft. fur romanische Philologie, VIII, 82) ; Knôsel, Das altfrz. Zahlwort, Erlangen, 1884, Diss.
Di3S pronoms. — Gessner, Zur Lehre vom frz. Pronom^en, 2" édition, Berlin, 1885 (travail important, qui a le gros défaut de ne pas renvoyer aux textes) ; Lahmeyer, Das Pro- nomen in der frz. Sprache des XVl"^ u. XVII"'' Jahr- hunderts, Gôttingen, 1887, Diss.; Horning, Le pronom
r
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
nuire il en langue d'oïl {Roman. Studien, IV, 229); 1 iOMAS, Lui et lei dans Romania, XII, 332; Clédat, Les as régimes du pronom personnel et du pronom relatif (dans la Revue des langues romanes, 1882, IIP série, III, 47). DiTTMER, Die yronomina possessiva im Altfranzôsischen, Oreifswald, 1888, Diss. ; A. Darmesteter, Le démonstratif ille et le relatif qui en roman. {Mélanges Renier, 1886); ScHÀFER, Die altfrz. Doppelrelativsàtze, Marburg, 1884, Diss.; Neumann, Zur Syntaœ des relativen Pronomens^ Heidelberg, 1889, Habilitationsschrift (cf. quelques bonnes monographies : Radisch, Die Pronom^ina bei Rabelais, Leip- zig, 1878, Diss. ; Iung, Syntax des Pronomens bei Àmyot, lena, 1887, Diss.; Schmidt, DasPronomen bei Molière^ Kiel, 1885, Diss.; Zilch, Der Gebrauch des franzôsischen Pro- nomens in der 2**" Hàlfte des XVI'^ Jahrhunderts, Giessen, 1892, Diss.
De l'article. — Hemme, Ûeber die Anwendung des Artikels in der frz. Sprache, Gôttingen, 1869, Diss.; Gellrich, Sur Vemploi de rarticle en vieux français, Langenbielau, 1881, Diss. ; Zander, Etude sur l'article dans le français du sei- zième siècle, Lund, 1893, Diss.
Du verbe. — A. Conjugaison. — Ghabaneau, Histoire et théorie de la conjugaison fr.. Paris, 1878, 2* édition; G. Kôrting, Der formenbau des franzôsischen Verbums in seiner ges- chichtlichen Enlwickelung , Paderborn, 1893.
Ces deux ouvrages généraux devant suffire à des commen- çants, je renvoie pour l'indication des autres à Korting, lll, 255-257 et complément, p. 19. A noter cependant : Weber, Ueber den Gebrauch von devoir, laisser, pooir, Berlin, 1879, Diss.
Clédat, Les modes et les temps des verbes français, dans sa Grammaire historique, p. 211; Kôrnig, Der syntaktische Gebrauch des Imperfects und des historischen Perfekts im, Altfrz., Breslau, 1883, Diss. ; Engwer, tïeber die Anwen- dung der Tempora perfectae statt der tempora imperfectœ actionis im Altfrz. 1884, Diss.; Delbœuf, A propos du passé défini [Revue de l'Instruction publique en Belgique, W\X, 2) ; VisiNG, Die realen Tempora der Ver gang enheit {Franzô- sische S indien, 6, 3).
Spohn, Uber den Conjunctiv (subjonctif) im Altfrz.,
Liv NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE.
Schrimm, 1882, Progr. ; A. Horning, Uber den Conjunctiv in Comparativsâtzen im Altfrz. (dans la Zlschft. fur rom. Philologie, V, 386); Williams, The Syntax of the Subjunr- tive wood in French, Boston et New-York, 1885 ; Bischoff, Der Konjunkliv bei Chrestien, Halle, 1881, Diss.. D'autres auteurs ont étudié l'emploi du subjonctif dans Villehardouin, Joinville, Wace, etc. (V. Kôrting, III, 275). Haase a rendu compte des travaux syntaxiques sur les temps et les modes de 1877 a 1884 dans le tome VI, 2' partie, p. f»2 de la Ztschft. fur neufrz. Sprache. Burgatzcky, Das Imper fekt und Plus quam Perfekt des Futurs, Greifswald, 1886; Willers, Essai sur la formation et remploi syntaxique du conditionnel français. Emmerich, 1886, Progr. ; Gaspary, Der Konditio- nalsatz m^it Optativ zur Beteuerung und Beschwôrung {Ztschft. fur roman. Phil., XI, 136); Lenander, L'emploi des temps et des modes dans les phrases hypothétiques jusqu'au xiii" siècle, Lund, 1886, Diss.; Klapperich, Historische Ent- wickelung der syntaktischen Verhàltnisse der Bedingungs- sàtze im, Altfrz. {Franzôsische Studien, III, 233).
Wulff, L'emploi de V infinitif dans les plus anciens textes français, Lund, 1878, Diss.; Lachmund, Ûber den Ge- brauch des reinen und pràpositionalen Infinitiv im Altfrz. Rostock, 1877, Diss. ; Soltmann, Der Infinitiv mit der Prà- posilion à bis zum, il^'" Jahrhundert {Franzôsische Studien, I, 361); Leander, Observations sur V infinitif dayis Rabelais, Lund, 1871, Diss.
Mercier, Histoire des participes français, Paris, 1880; Bastin, Le participe passé français et son histoire, Péters- bourg, 1880; Stimming, Verwendung des Gerundiums und des Particip. pràsentis im Altfrz. {Ztschft. fur romanische Philologie, X, 526, 1); Aurert, De usu participioi^m prœ- sentis in sermone gallico, Marseille, 1885.
Des adverbes. — Bastin, Etude sur les principaux adverbes (affirmation, négation, manière), Paris, 1892; G. M. Robert, Les adjectifs adverbes, dans Taalstudie, 1882; Zeitlin, Die altfrz. Adverbien der Zeit, dans Ztschft. fur roman. Philo- logie, VI, 256, et VIT, 1 ; R. F. Perle, Die Négation im Altfrz. [Ztschft. fur roman. Philologie, II, 1 et 407); Bastin, Sur V emploi des négations en latin et en français. Revue de l'instruction publique en Belgique, XXVIII, 3.
NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE. lv
Des prépositions. — Gessner, Sur Vorigine des prépositions françaises, Berlin, 1858, Progr. ; Raithel, Die altfrz. Prà- positionen, Berlin, 1875, Diss.; Dickhuth, Form iind Ge- brauch der Pràpositionen in den àltesten frz. Sprachdenk- màlern, Munster, 1883, Diss.; Dziatzko, Die Entstehung der Pariicipialpràpositionen {Ztschft. fur roman. Phil. Vil, 125) -, Darmesteter, Note sur l'histoire des prépositions en, dedans, dans, 1885.
Des conjonctions. — Wehrmann, Beitràge zur Lehre von den Partikeln der Beiordnung im frz. [Roman. Studien, III, 383).
De l'ordre des mots. — Weil, De Vordre des mots dans les langues anciennes comparées aux langues modernes., Paris, ] 869 ; ToBLER, Vermischte Beitràge., passinfi ; Morf, Die Wortstellung im altfrz. Rolandslied, dans Roman. Studien, III, 199 ; Kruger, Uber die Wm'tstellung in der frz. Prnsa- litteratur des XIIP'" Jahrhunderts. Berlin, 1876, Diss. ; Le Coultre, Vordre des mots dans Chrestiende Troyes., Leipzig, 1875, Diss. : Schulze, Die Wortstellung im altfrz. directen Fragesatz [Herrig's Archiv, LXXI, 185) ; Philippsthal, Die Wortstellung in der frz. Prosa des xvi**" Jahrhunderts, Halle, U.66, Diss. (V. Korting, III, 276, Complément, 120, et Sughier, Français et provençal, p. 198).
I
PRÉCIS
GRAMMAIRE HISTORIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
LIVRE PREMIER
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
1. Les langues de la Gaule. — Nous ignorons quel fat le peuple qui habita originairement le territoire de la France, et quelle langue il parlait. En tous cas, vers les origines de notre ère, la Gaule était, comme nous l'apprend César, divisée en quatre parties : entre la Garonne et les Pyrénées habitaient les Aquitains, entre la Garonne et la Seine les Celtes, de la Seine à l'Escaut les Belges; le reste était une province romaine.
Les peuples de ces contrées différaient entre eux de mœurs et de langage. Les Aquitains avaient un langage absolu- ment distinct de leurs voisins; ils n'appartenaient pas au même groupe ethnographique. Celaient des Ibères, dopt l'idiome a subsisté et se parle encore dans quelques dis- tricts montagneux du sud-ouest de la France sous le nom de basque ou d'euskarien. Les autres Gaulois proprement
BRUNOT. 1
2 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
dits, Celtes et Belges, parlaient des dialectes différents d'une même langue ; le gaulois.
«. Le g^auiois. — Ce gaulois était un des idiomes indo- européens, frère du grec, du latin, du germanique, mais distinct de chacun d'eux. Toutefois il nous est impossible de savoir quelle en était la structure intime. Le lexique, la syntaxe, les flexions de cette langue nous sont à peu près inconnus , car nous n'avons pour les étudier que des moyens insuffisants.
Les documents écrits en gaulois sont presque nuls. Ce sont des inscriptions laconiques et peu variées, dont il est difficile de tirer grand profit.
Nous avons en outre quelques indications fournies par les auteurs anciens qui ont cité des mots celtiques, en trop petit nombre; des noms géographiques qui se sont con- servés et dont il est possible de retrouver les éléments.
Enfin l'étude des langues néo-celtiques dérivées du gau- lois, breton, gaélique, etc., permet quelques inductions trop souvent hypothétiques et hasardeuses.
En se servant habilement de ces maigres ressources, des érudits prudents et patients sont arrivés à nous four- nir quelques connaissances très incomplètes, il est vrai, mais au moins certaines, sur la langue qu'ont parlée nos aïeux.
On a pu décomposer des noms comme Lugdunum (Lyon), Rotomagus (Rouen), Virodunum (Verdun), etc., et trouver que l'un signifie : mont des marais {lougos dunum) , l'autre : maison de la route [roto magus)^ etc.; on a, d'autre part, rassemblé tous les mots conservés par les auteurs de l'an- tiquité, et l'on est arrivé de la sorte à reconstituer une façon de vocabulaire.
Enfin on a pu deviner l'existence d'une déclinaison qui avait un génitif, un datif, un accusatif différents au mas-
ORIGINES. LE GAULOIS. 5
culin et au féminin, au singulier et au pluriel, c'est-à-dire tout un système de flexions assez complet.
Mais là s'arrêtent les découvertes, et la prétention de quelques eeltomanes à aller plus loin n'a servi qu'à jeter du discrédit sur les études celtiques, qui ne sont estimables qu'à condition de ne vouloir pas donner plus qu'elles ne peuvent.
Du reste, quelle qu'ait pu être la langue gauloise, nous n'avons point à nous en préoccuper autrement, car ce n'est ni le belge ni le celtique qui ont donné naissance au fran- çais, mais le latin, qui de la province romaine finit par rayonner et s'étendre sur la Gaule entière.
3. La conquête romaine. — Des Alpes aux Gévennes, sur les deux rives du Rhône habitaient les Ligures, pa- rents des Gaulois, mais vers la mer se trouvaient un cer- tain nombre de cités appartenant à des Grecs. La plus célèbre de ces colonies orientales était Marseille, mais il y en avait d'autres : Agde, Port-Vendres, Antibes, Nice.
On sait comment Marseille offrit aux Romains l'occasion d'intervenir dans les affaires de la Gaule. Maîtres de l'Italie et de l'Espagne, et appelés comme arbitres d'une querelle qui avait surgi, les alliés des Marseillais en profilèrent pour s'assurer d'une route entre les Pyrénées et les Alpes, et firent de 154 à 118 avant Jésus-Christ la conquête du pays situé entre les Alpes, le Rhône supérieur, les Gévennes, la Garonne et la mer. Ils y fondèrent des colonies, Aix et Nar- bonne, et cette immense bande de terrain devint une pro- vince romaine (provincia), d'où le nom de Provence qui est resté à une partie de ce pays.
L'influence romaine, partie de là, ne tarda pas à se déve- lopper. Moins de cinquante ans après, César, appelé par les Eduens contre les Helvètes, porta ses armes successivement du Rhin à l'Armorique, parcourut la Belgique, le Gotentin,
4 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
l'Aquitaine, etc., enfin, après un dernier effort des Graulois en vain coalisés, soumit tout le pays ; la campagne, com- mencée en 58, puis interrompue, était terminée en 51.
La lutte, comme on sait, fut longue et sanglante, au c ontraire, la conquête morale de la Graule fut très rapide. Les Romains étaient d'excellents colonisateurs; les Gaulois avaient l'esprit souple, un instinct très vif de l'imitation. Un changement rapide eut lieu dans leur esprit et leurs mœurs.
Seule, une forte cohésion eût pu sauver la Gaule d'une assimilation. Mais celte cohésion n'existait pas. Dans la lutte même on ne s'était pas entendu ; vaincus, on acheva de se séparer. La politique romaine continua de précipiter ce mouvement par les moyens qui partout lui avaient réussi. Le pays fut fractionné en une foule de cités ayant chacune leur administration, leur sénat, leurs magistrats munici- paux; non seulement les cités n'étaient unies par aucun lien fédéral, mais elles étaient appelées à être forcé- ment rivales, en raison des inégalités qu'on avait créées. De même qu'il y avait en Gaule des individus jouissant de la plénitude des droits tandis que d'autres en étaient entière- rement privés, il y avait des cités privilégiées, toutes romaines, comme Narbonne ou Lyon, d'autres alliées ou fédérées comme Arles ou Marseille, d'autres dites libres comme Trêves et Soissons, etc., et à mesure que l'on des- cendait de l'une à l'autre on rencontrait des populations pri- vées d'un nombre de plus en plus grand de droits dont quelques-uns étaient essentiels aux besoins presque quoti- diens de la vie. De là d'inévitables jalousies, l'impossibilité d'une reconstitution de la nation gauloise. Au lieu de tour- ner les yeux vers leurs frères, les habitants des villes les moins favorisées s'habituèrent à les tourner vers Rome, dis- pensatrice des privilèges, et ce ne fut plus partout qu'un même désir de la servir et de lui plaire, dans l'espérance
LA CONQUÊTE ROMAINE. 5
qu'elle récompenserait le dévouement et la fidélité. Ces sentiments devinrent bientôt si généraux que douze cents hommes à Lyon suffirent à garder cet immense territoire de la Gaule où personne ne songeait plus à se révolter.
En même temps, la séduction de la civilisation romaine agissait d'une autre façon, non moins efficace. Sans qu'on fût obligé d'aller jusqu'en Italie, Lyon offrait de Rome une image réduite, mais encore brillante, avec ses palais, son cirque, sou amphithéâtre, etc., que visitaient tous les ans des délégués et des commerçants venus de tout le pays.
Les Gaulois, qui n'avaient ni tradition nationale, ni con- stitution religieuse, ni civilisation propre, ne pouvaient ré- sister à ces influences, et de très bonne heure ils s'appli- quèrent d'eux-mêmes à se romaniser. Une des conditions essentielles pour cela était d'apprendre la langue des vain- queurs. Il le fallait pour obtenir justice, pour servir dans l'armée, pour être prêtre du nouveau culte, pour jouir do ses droits de père ou d'héritier, etc., en un mot, pour profiter ou ne point trop souffrir de l'administration et do la loi.
L'exemple fut naturellement donné par le Midi. De3 écoles se fondèrent dans toute l'étendue de ia Province, où les jeunes gens de l'aristocratie indigène vinrent se former sous la direction de maîtres romains, et quelques-uns d'entra eux pénétrèrent si bien le génie de la langue latine quo Rome les compta au nombre de ses meilleurs écrivains. Tels furent le poète Gallus, l'ami de Virgile, l'historien Trogue Pompée, et d'autres. Des populations entières, sans connaître aussi bien le latin, l'entendirent assez pour que des historiens comme Justin ou des géographes comme Slrabon pussent nous dire d'elles que « par un complet changement elles avaient pris le type romain, qu'elles tenaient tout de Rome, langue, mœurs, institutions ».
Un mouvement plus lent, mais semblable, ne tarda pas
G HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
à se produire dès les premiers siècles de notre ère, dans l'ancienne Gaule chevelue. Gomme à Lyon ou à Autun, des rhéteurs et des grammairiens s'établirent à Besançon, à Reims, jusqu'à Trêves, et dans les hautes classes de la société le latin fît, là comme ailleurs, de rapides progrès.
Bientôt des auteurs romains purent se flatter d'être lus et appréciés au delà des Alpes comme à Rome *, et à mesure qu'on avance de nouveaux témoignages montrent que la connaissance du latin se répand. Des orateurs haranguent en latin le peuple, des pères se servent de cette langue pour correspondre avec leurs filles, des frères avec leurs sœurs, des prêtres avec leurs fidèles^. Le latin, qui était déjà la langue de l'État, est devenu celle de l'Église et les idiomes indigènes cèdent de plus en plus à cette double influence. La Gaule devient à son tour une partie du pays romain, de la Romania.
Toutefois, quelque prompte qu'ait pu être cette transmu- tation, il est évident qu'à cette époque où les communica- tions et les relations étaient encore difficiles, l'instruction populaire à peu près nulle, et l'école sans influence, la masse ne fut pas dès l'abord entraînée dans le mouvement que l'intérêt ou la mode avait fait naître et qui poussait les hautes classes à se romaniser le plus vite et le plus com- plètement possible. Nous voyons aujourd'hui avec quelle difficulté le paysan renonce à son patois, même quand il entend le français. De même et à plus forte raison le paysan gaulois garda longtemps sa langue, et ce n'est qu'à la longue que le latin finit par triompher dans les campagnes.
Au II* siècle, saint Irénée nous atteste qu'on parle encore
1. Martial, Pline le Jeune.
2. Sidoine Apollinaire prêche en latin à Bourges {Sid. ApoU., VU, 9). Saint Hilaire correspond en latin avec sa fille Albra, Sulpice Sévère avec Claudia sa sœur, saint Jérôme avec deux Gauloises, Hédebie et Algasie, etc.
LES INVASIONS. 7
celtique dans le diocèse de Lyon. Au commencement du iii'^ siècle, Ulpien autorise l'usage de cette langue dans les fidéicommis. Au iv% au v® siècle même, nous avons des témoignages qui prouvent que les idiomes celtiques résistent encore*; au vi" siècle, et jusqu'à l'époque carlovingienne, cette agonie se prolonge, mais la victoire du latin était cer- taine, et la chute de Rome, l'arrivée de nouveaux maîtres ne compromirent en rien son succès.
4. Les invasions. — Nous ne pouvons point entrer ici dans l'étude de la difficile question des invasions germa- niques, qui est loin d'être résolue. On n'est point du tout d'accord sur la nature et l'importance des changements politiques qu'elles entraînèrent. Il est certain toutefois que ni l'infiltration de barbares isolés qui durait depuis des siècles, ni l'irruption violente des hordes venues du Nord ne changèrent grand' chose aux mœurs de la Gaule. Les nouveaux venus semblent bien plutôt avoir adopté la civi- lisation des vaincus que leur avoir imposé la leur. Ils finirent ainsi par abandonner jusqu'à leur langue, véri- fiant une fois de plus cette loi dé l'histoire qu'un peuple vaincu, s'il a pour lui la supériorité intellectuelle et mo- rale, finit, malgré son infériorité matérielle, par assimiler le vainqueur.
Ge n'est pas à dire que le voisinage des dialectes germa- niques importés n'eut aucune influence sur le latin parlé alors en Gaule. Nous verrons au contraire par la suite que le lexique en fut enrichi et modifié ; mais les flexions, partie caractéristique d'une langue, restèrent latines ou à peu près. Le véritable et le plus sérieux effet des invasions fut
1. Saint Irénée, Prasf. adv. haer.; Ulp., I. II, Fideicomm. ; Digeste, 1. XXXII, 11 ; comparez : Sulp. Sev. Opéra, p. 543, éd. 1647, d. 1; Glau- dien, De mul. galL ; Ausone, De clar. urbib., 14. ; Fortunat, I, Car- men IX, 25, etc.
8 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
d'accélérer, en amenant la chute de Rome, la ruine des écoles, la disparition du latin écrit en faveur du latin parlé et populaire.
5. Recals du latin. — Il faut ajouter aussi qu'une partie du domaine romain fut entamée, et que le latin fut repoussé de quelques pays des bords du Rhin où il s'établissait. Un fait identique se produisit quand des Bretons venus d' outre-Manche refoulèrent les populations romanisées et rapportèrent en France leur idiome d'origine celtique qui vit et se parle encore en Bretagne. Le résultat fut le même lors de l'arrivée au vi« siècle de Vascons d'Espagne qui réimportèrent leur langue au sud de l'Adour, sur le terri- toire qu'ils occupent encore en partie aujourd'hui, et dont Biarritz, Bayonne, Oloron forment la limite.
6. Le latin. — Le latin est une des langues de la famille indo-européenne, sœur du sanscrit, du grec, du gaulois, du germanique, etc.... Il appartient au groupe italique, qui comprenait d'autres dialectes : l'osque, le sabellien, l'om- brien, etc.
Gomme toutes les langues, le latin a eu son histoire, et n'est pas apparu tout d'un coup sous la forme où on se le représente généralement, tel que Virgile ou saint Jérôme l'ont écrit. Il a vécu, c'est à-dire changé. Il y eut toute une longue période primitive, à peu près inconnue du reste, où il se développa librement, en dehors de toute tradition litté- raire. Puis une influence savante essaya de le fixer, et dé- sormais il exista une langue écrite et une langue parlée, distinctes l'une de l'autre.
C'est un fait assez commun dans l'histoire, et il se pro- duisit en France, comme nous le verrons, quelque chose d'analogue qui nous permet de comprendre assez bien ce qui se passa autrefois à Rome.
LE LATIN POPULAIRE. 9
V. liatîn liUéraire et latin populaire. — Vers le Il'^siècle avant notre ère, alors que la langue se transformait sans contrainte, apparurent des littérateurs qui d'une part im- posèrent un retour en arrière à des formes déjà rejetées, d'autre part introduisirent un certain nombre d'héllénismes empruntés à la langue des auteurs grecs qu'ils imitaient et avaient constamment sous les yeux.
Mais le résultat le plus grave fut que les œuvres de ces écrivains qui avaient une valeur réelle et une considérable importance devinrent des modèles auxquels on se référa et dont les auteurs postérieurs s'attachèrent à reproduire les formes et les tours. Ainsi pendant qu'un son disparaissait dans la prononciation, les écrivains continuèrent à le noter parce quEnnius ou d'autres l'avaient écrit et prononcé. Tandis que la langue parlée continuait sa marche vers l'analyse, la langue écrite arrêta la sienne. Elle se fixa, dans la mesure où une langue, même écrite, peut se fixer. De là une séparation .qui fut bientôt complète ; on ne parla plus comme on écrivait, et nous savons par le témoignage de Gicéron lui-même que, tandis qu'il discourait à la tribune en latin littéraire et classique, il usait chez lui d'un langage très différent dans l'intimité de sa femme, de ses enfants, de ses esclaves. Et il ne faut pas entendre par là qu'il se servait devant eux de termes familiers. La distinction était bien plus profonde. La prononciation, les flexions, la syn- taxe changeaient du latin classique au latin populaire. Nous aurons l'occasion de l'indiquer bien souvent en tête de chacun de nos chapitres, et de montrer comment déjà, dans la langue familière de cette époque, autant du moins qu'on en peut juger par les trop rares monuments que nous possédons, les changements ultérieurs étaient en germe.
Pendant longtemps le latin vulgaire végéta sourdement c'est à peine si quelques rares allusions nous apprennent qu'il existe ; mais il ne faut point se tromper à ce silence
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des auteurs. Toute méprisée qu'elle est, c'est cette langue parlée qui se répand dans les provinces, au fur et à mesure que les soldats et les colons romains s'y établissent ; les marchands n'en savent point d'autre et n'enseignent que celle-là aux indigènes des pays qu'ils parcourent. Dans la loi, il est vrai, dans l'administration, dans l'école, en général dans tout ce qui est officiel, le latin classique est seul en usage, mais bientôt la chute de Rome amène la destruction de toute culture littéraire et, comme conséquence, la dispa- rition de la langue savante au profit de la langue vulgaire. La première est bientôt oubliée, même dans l'Église, et en 589 le concile de Narbonne se voit obligé de défendre de conférer les ordres majeurs à qui ne connaîtra pas le latin classique. Malgré ces prescriptions, le clergé l'ignore bien souvent au point de ne pas entendre les formules les plus usuelles du rituel chrétien, et en 752 le pape Zacharie fut, nous dit-on, appelé à statuer sur la validité d'un bap- tême conféré en ces termes : « Ego te baptizo in nomine Patria (pour Patris) et Filia (pour Filii) et Spirilus sancti ». Désormais la langue de Gicéron ou de la Bible de saint Jérôme est une langue savante, connue des seuls érudits, peu nombreux du reste à cette époque. La langue parlée en Gaule est le latin vulgaire, rustique, qui devient le roman.
8. Le roman. — On appelle ainsi la nouvelle forme que prend le latin vulgaire dans les pays où il parvient à se maintenir, à la suite d'un développement résultant des diffé- rentes influences qu'il y subite
1. L'existence de cette langue romane est attestée par une foule de textes. Au Vii« siècle, saint Mummolin est choisi pour succéder à saint Éloi, parce qu'il parlait très bien, non seulement la langue teu to- nique, mais aussi la langue romane {Acla Sanctor. Belg., IV, 403). Au VIII® siècle, saint Adalhart est indiqué comme parlant très bien la langue vulgaire {Acta Sancl. Ord. S. Ben., IV, 355). A partir de ce moment les textes romans commencent à paraître. C'est d'abord un
LE ROMAN. li
Le roman tel que nous venons de le définir n'est pas, comme l'ont cru quelques savants du commencement de ce siècle, une langue unique, identique en Italie, en Espagne, en G-aule, etc. Ce nom de roman désigne en réalité, et c'est ainsi qu'il faut toujours l'entendre, tout un ensemble de dialectes, qui ont encore bien des traits communs, mais se distinguent déjà par des particularités.
Il est probable que des différences existaient dès l'épo- que latine, et que si des documents suffisants nous per- mettaient de remonter jusque-là, nous constaterions ce que nous ne faisons que soupçonner, à savoir que le latin vul- gaire ne se parlait point en deçà comme au delà des Py- rénées ou des Alpes.
En effet, et c'est là une loi naturelle aujourd'hui bien établie, toute langue parlée, même sur un espace relative- ment restreint, dans plusieurs localités voisines, tend à former un certain nombre de dialectes qui avec le temps vont se séparant de plus en plus et se développant dans des sens différents. A plus forte raison le même lait se produit- il quand cette langue est parlée, comme le latin, par tout un monde hé'térogène, composé des peuples les plus divers.
court refrain dans lequel les fidèles du diocèse de Soissons invoquaient la protection du ciel en faveur du pape et de l'empereur. Pendant la récitation des litanies le peuple reprenait en roman : tu lo juva (aide-ie). Nous avons de cette époque des Glossaires, dits de Reichenau et de Cassel, donnant la traduction romane de mots latins ou germaniques. Enfin au commencement de l'année 8i2 les soldats de Charles le Chauve prononcent ainsi que Louis le Germanique les serments dits serments de Strasbourg en langue romane.
On pourrait en outre citer bien des témoignages ; les ordonnances des conciles de Tours et d'Arles prescrivant de prêcher en roman (Labhe, Concil., IX, 351) ; l'épitaphe rapportée au tome X, 286 de dom Bou- quet, faisant honneur à un abbé de ce qu'il enseignait en langue vulgaire, etc., etc. Il existe à ce moment-là en Gaule quatre langues distinctes : le latin {lingua latina), le germanique [lingua teutonica ou theotisca), le celtique {lingua gallica), enfin le roman {lingua romana); c'est cette dernière qui domine.
12 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
Elle subit alors sur les différents points des modifications particulières, suivant le climat, la race, Tidiome primitif, le caractère intellectuel et physique des peuples qui l'adoptent, sans qu'il ait été jusqu'ici possible de déterminer exacte- ment dans quelle mesure agit chacune de ces influences et dans quelle proportion elles se mêlent.
». Les langues romanes. — Quelle qu'en soit du reste la cause, c'est un fait que le latin transporté simultanément en Italie, en Espagne, en Gaule, subit partout des altérations particulières. De là des dialectes provinciaux du latin populaire, qui devinrent par suite des dialectes romans, d'où sortirent à leur tour les langues romanes, savoir: Vitalien, V espagnol, le portugais, le catalan, le provençal, le français, le rhéto-roman, le roumain .
Toutes sont, comme on dit souvent, sœurs entre elles et filles du latin. Il faut bien s'entendre sur ces mots : les langues romanes que nous venons d'énumérer ne sont point à proprement parler nées du latin, comme un enfant naît d'une mère qui continue à vivre, de façon qu'au lieu d'un être unique il y en ait ensuite deux qui coexistent : une mère et une fille; en ce sens la comparaison est fausse. Chaque langue romane est la continuation, le développe- ment du latin sur un point de l'espace, où, par suite des conditions auxquelles il était soumis, il a pris un caractère propre. Le français n'est pas né du latin, c'est encore du latin.
iO. Langue d*oe et langue d'oll. — Gomme on sait et comme nous venons de l'indiquer dans notre rapide énu- mération, on trouve en France non pas une, mais deux langues romanes distinctes: le provençal et le français, souvent nommées aussi langue d'oc et langue d'oil d'après la façon dont on exprimait l'affirmation [oïl au nord et oc
hk LANGUE D'OÏL. 13
au midi). Avant que les circonstances historiques eussent donné la prédominance à la langue du nord devenue langue nationale, le provençal et le français, constitués à peu près en même temps, se partageaient la France, sans qu'il soit possible, nous dirons bientôt pourquoi, de tirer une ligne de démarcation exacte entre leurs deux domaines. D'une façon approximative la frontière était marquée par une ligne menée de la Charente aux Alpes, et passant par Limoges, Glermont-Ferrand, Tournon et Grenoble.
11. Les dialectes. — Ce n'est pas à dire que dans le Dauphinois on parlât comme en Gascogne, ou en Picardie comme en Bourgogne. Il faut répéter ici la même obser- vation que nous avons faite à propos du roman. Il n'existe à aucun moment une langue d'oïl ou d'oc uniforme et identique, mais un grand nombre de dialectes groupés sous un nom unique,qui vont se séparant de plus en plus.
Dans la langue d'oc on distingue généralement le languedocien, le provençal, le dauphinois, le lyonnais, l'auvergnat, le limousin et, un peu à part, le gascon.
Dans la langue d'oïl Fallot comptait le normand, le picard, le bourguignon. D'une façon un peu plus précise on peut dire que la langue d'oïl offre cinq grandes divi- sions : le groupe de l'Est (correspondant au bourguignon), celui du Nord-Est (le picard), celui de l'Ouest (le normand), celui du Gentre-Nord qu'on appelle quelquefois poitevin; enfin, au milieu, un cinquième dialecte dont le domaine comprend à peu près la Champagne et la Brie, l'Orléanais, le bas Maine, le Perche et surtout, au nord, la province appelée Ile-de-France et plus anciennement France tout simplement. C'est de ce dernier que sortira le français littéraire.
Chacun de ces dialectes a des sous-dialectes, car ce ne sont pas seulement les grandes divisions territoriales qui
14 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA UNGUE FRANÇAISE.
marquent leur empreinte sur le langage. Gomme une sorte de thermomètre très sensible, il accuse les plus petites variations de climat; il ne peut se déplacer au nord ou au midi, à Test ou à l'ouest, sans que quelqu'un de ses carac- tères s'en trouve modifié.
Il s'ensuit que les variétés dialectales sont en nombre très considérable, et cette raison seule empêcherait d'en donner, dans l'état actuel des recherches, un dénombrement ou un tableau quelque peu exact.
Ce qui rend la chose tout à fait impossible, c'est que chaque dialecte n'est pas une unité isolée, avec des carac- tères distinctifs qui lui soient particuliers, et un domaine déterminé. En réalité on passe d'un dialecte à un autre par un dialecte intermédiaire qui emprunte telle particularité à son voisin du nord, telle autre à son voisin du midi, qui participe ainsi des deux, si bien que sur un de ces territoires de transition on ne saurait dire si l'on parle le normand ou le picard. On est à certains points de vue sur le domaine du premier, à d'autres sur celui du second.
Dans ces conditions, et puisqu'il faut tenir compte de ces zones intermédiaires, il serait inexact de dresser une carte quelconque des provinces linguistiques de la France, entre lesquelles on ne pourrait pas marquer de frontière précise.
Il n'en est pas moins légitime de grouper les dialectes en quelques grandes divisions, comme nous l'avons montré, réunissant dans une même catégorie ceux qui ont leurs caractères généraux semblables.
Historiquement cette distinction est absolument néces- saire si l'on veut se rendre compte de ce que fut pendant des siècles le langage de la France. Le dialecte de l'Ile-de- France n'a alors aucun avantage sur ceux qui l'entourent, il ne s'étend pas au delà du domaine qui lui est propre. Plus loin les documents les œuvres littéraires même qui
DIALECTE DE L'ILE-DE-FRANCE. 15
commencent à paraître sont écrites dans le dialecte local, normand, bourguignon, suivant les endroits. Ainsi de tous les premiers monuments de la langue, le seul qui soit en français proprement dit est le poème de Saint- A lexis ; encore est-il discuté. Les Serments de Strasbourg^ dont nous avons parlé plus haut, ne lui appartiennent pas.
12. Progrès du dialecte de l'Ile-de-France. — Ce n'est qu'au XII® siècle que le dialecte de TIle-de-France commence à.prendre le pas sur les autres. Non pas qu'il eût sur eux une supériorité marquée, qu'il fût ou plus riche, ou plus souple, ou plus harmonieux. Il n'a aucun caractère spécial bien distinct, et, placé au centre, tient un peu de tous ses voisins. Ge qui lui assure l'avantage, ce sont les circonstances politiques. Il est la langue de la cour et de la capitale, et ses progrès suivent ceux des ducs de France. Parler comme à Paris fut de bonne heure considéré comme la marque d'une bonne éducation, et dès la fin du xu® siècle il n'était plus guère permis à un grand seigneur de Picardie, de Bourgogne ou d'ailleurs de se présenter en France et d'y prétendre parler le ramage de son pays^ témoin la mésa- venture arrivée à Gonon de Béthune qui cultivait avec un certain succès la poésie : comme il était à la cour, la régente Alix de Ghampagne et le prince qui fut depuis Philippe Auguste voulurent entendre quelques-unes de ses chansons. Le poète s'exécuta, mais en gâtant son débit par un fort accent picard, qui lui valut les railleries des assistants, voire de la comtesse, au suffrage de laquelle il semblait tenir :
... Mon langage ont blasmé 11 François Et mes chançons, oiant les Champenois, Et la contesse encor, dont plus me poise ; La roïne ne fist pas que courtoise Qui me reprist, elle et ses fuis li rois; Encor ne soit ma parole françoise
16 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
Si la puet on bien entendre en françois, Ne cil ne sont bien apris ne courtois Qui m'ont repris se j'ai dit mot d'Artois, Car je ne fui pas norris à Pontoise*.
A partir de cette époque, pendant tout le cours du xiii« siècle, l'idiome de l'Ile-de-France se propage de plus en plus, grâce aux circonstances extérieures qui ne cessent pas de lui être favorables, et à la politique que suivent les rois, qui aboutit à fonder l'unité française. En 1101 Philippe I«' avait acheté le Berry, un siècle plus tard Philippe Auguste confisquait la Touraine et la Normandie, etc., et à mesure que la couronne arrondit son domaine, le français annexe des provinces. La réunion du Nord et du Midi préparée par les croisades contre les Albigeois, et consommée par l'habileté des rois de France, amena la ruine de la civili- sation et la décadence de la langue jusqu'alors si florissante des troubadours. Désormais le triomphe du français était assuré. Les créations administratives et judiciaires du xiv^ siècle, l'accroissement de l'autorité des Capétiens le confirmèrent. La langue de l'Ile-de-France, devenue langue commune, put supporter la redoutable épreuve d'une trans- formation intérieure. Elle n'avait plus à craindre de rivale.
13. lies patois. — Toutefois les dialectes provinciaux vaincus ne devaient pas disparaître tout d'un coup. Nous avons déjà eu l'occasion de dire avec quelle fidélité le
1. Mon langage ont blâmé les Français,
Et mes chansons, les Champenois les entendant, Et la comtesse encore, dont plus me pèse; La reine ne fit pas acte de courtoisie Qui me reprit, elle et son fils le roi. Encore que ne soit ma parole française, Pourtant on la peut bien entendre en français Et ceux-là ne sont ni bien appris ni courtois Qui m'ont repris si j'ai dit mot d'Artois, Car je ne fus pas élevé à Pontoise.
LES DIALECTES ET LES PATOIS. 17
paysan perpétue son idiome, et la centralisation, à cette époque, n'était point assez forte pour faire disparaître ce qu restait des anciennes divisions. Les dialectes ne s'étei- gnirent donc point, mais peu à peu ils ne s'écrivirent plus : le français fut la langue littéraire du royaume ; le picard, le bourguignon, subsistèrent seulement à l'état de langues parlées, de patois. Sous cette forme ils durent encore, on les parle aujourd'hui dans les villages aussi bien qu'il y a six siècles ; on sait même qu'un dialecte de la langue d'oc, le provençal, a de nos jours repris une vie nouvelle, et que des poètes illustres, Mistral et autres, s'en sont servis avec éclat. Les autres patois, peu connus et dédaignés, traités généralement comme des déformations du français, méri- tent aussi d'être considérés et étudiés, non point dans l'in- tention de les faire revivre, mais parce qu'ils fournissent pour l'étude du français même d'utiles comparaisons et des ren- seignements souvent précieux. Ils ont conservé des archaïs- mes qui facilitent et contrôlent les recherches étymologi- ques, d'autre part ils nous présentent une image quelquefois frappante de ce qu'aurait donné le français livré à lui- même, se développant comme eux librement et en dehors de toute influence grammaticale et savante.
En même temps qu'il conquit les provinces du royaume, le français au xiii® siècle se répandit à l'étranger. Importé depuis longtemps en Angleterre par les Normands, il s'y maintint à la cour, dans l'aristocratie, dans l'école, en face de l'anglais qui allait naître et végétait encore sourdement*.
1. Il ne serait pas difficile de retrouver des traces de cette ancienne prédominance du français en Angleterre. Outre que la langue des vain- queurs normands a fortement pénétré l'anglais, il reste même aujour- d'hui des formules toutes françaises encore en usage. Ainsi quand le chef de l'État approuve un bill du Parlement, il écrit au bas « le roi le veult », ou « la reine le veult ». Les crieurs publics commencent leurs annonces en s'écriant trois fois : a 0 yes, o yes, o yes », ce qui signifie tout simplement : oyez (anc. fr. = entendez).
bRUNOT. 2
Ib HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANCÎTIE FRANÇAISE.
En Hongrie, en Porlugal, en Pologne il entra avec les princes d'origine française. En Allemagne, en Italie, dans presque toute l'Europe on lit et on imite alors nos trouvères. Quelques écrivains adoptent même leur langue, le Véni- tien Marco Polo, le Florentin Brunetto Latini et d'autres, qni pensent et proclament avec ce dernier que le français est ce la parleure la plus délitable et la plus commune à toutes gens ».
li n'entre pas dans notre sujet de suivre à l'extérieur les progrès de l'influence morale et littéraire de la France. Nous rappelons ces quelques faits pour montrer seulement combien est injuste le mépris de quelques critiques pour « ce jargon semi-germanique », alors connu et envié de toute l'Europe civilisée.
14. L'ancien français. — Le mot de jargon ne saurait en aucune façon être appliqué à ce français du xii^ et du xiii^ siècle qu'on appelle ancien français. La langue à cette époque n'est sans doute pas fixée, — une langue vivante ne l'est jamais, — mais elle est absolument constituée.
Entièrement dégagée du latin, elle a son existence propre, ses règles et son génie. Il serait intéressant de la comparer dans son ensemble au latin d'une part, au français moderne de l'autre ; mais on conçoit que pour que cette comparaison pût être utilement faite, elle devrait être précédée d'une expo- sition au moins sommaire des principaux caractères de celte langue, exposition que nous ne pouvons entreprendre ici, puisqu'on la trouvera dans chacun des livres spéciaux qui vont suivre.
D'une façon générale l'ancien français a une valeur litté- raire réelle. Le lexique en est riche et imagé, la syntaxe souple et facile. Arrêté à mi-chemin entre la synthèse et l'ana- lyse, ayant conservé d'une part des débris d'une déclinaison encore fort utile et qui lui permet d'audacieuses libertés
L'ANCIEÎS FRANÇAIS. 19
dans la construction des phrases, ayant d'autre part déjà acquis presque toute la précision et l'exactitude des lan- gues analytiques, le français de cette époque présente un grand intérêt linguistique et mérite d'être étudié en soi et pour soi, non point seulement pour les œuvres littéraires qu'il a produites, ou comme ancêtre de notre langue ac- tuelle.
15. Décadence de l'ancien français. — La période qui
suit et qui est celle du moyen français est une période de transition. L'ancienne langue se déconstruit, la langue moderne se forme, et ce changement dure trois cents ans, car il faut arriver jusqu'à la fin du xvi« siècle ou même jusqu'au commencement du xvii^ pour trouver une langue constituée définitivement et qui ne diffère plus avec chaque écrivain qui l'emploie.
Les grandes œuvres littéraires qui avaient illustré la langue des trouvères n'avaient pas plus réussi à la fixer, que la gloire et les progrès des rois successeurs de Philippe le Bel n'avaient réussi à asseoir leur pouvoir. Au moment où il semblait y avoir à la fois une langue et une nation françaises, tout fut soudain remis en question par une suite de longs désordres où la France pensa périr.
On connaît cette lamentable histoire : la guerre civile se mêlant à la guerre étrangère, un roi prisonnier, un autre fou, la patrie près de devenir sujette des rois d'Angleterre, nul frein à la violence, les campagnes rançonnées, les villes saccagées tour à tour par l'ennemi et par les compagnies chargées de les défendre, toutes les relations commerciales interrompues, les artisans et les marchands, déjà appauvris par le chômage, ruinés par le fisc, les altérations de la monnaie, l'accroissement progressif de l'impôt, en un mot le royaume entier en proie à l'anarchie, désolé par la mi- sère et couver l de ruines. Au milieu de ce chaos la vie in-
20 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
tellectuelle fut suspendue, les écoles fermées ou désertées, les lettres et les arts abandonnés pour la guerre. « Non, di- sait Pétrarque au retour d'un voyage en France, je ne recon- nais plus rien de ce que j'admirais autrefois.... Les écoles de Montpellier que j'ai vues si florissantes sont aujourd'hui désertes... Paris, où régnaient les études, où brillait l'opu- lence, où éclatait la joie... ne retentit plus du bruit des syl- logismes, mais des clameurs des combattants ; le calme, la sécurité, les doux loisirs ont disparu.... Le royaume a été tellement écrasé parle fer et le feu, que moi qui le traversai dernièrement pour affaires, j'avais peine à me persuader que c'était là le pays que j'avais vu autrefois. »
De ce tableau de l'état général de la France ou peut rap- procher ce témoignage d'un contemporain au sujet de l'état de, la langue : « Pour ceu que nulz ne tient en son parleir ne rigle certenne, mesure, ne raison, est laingue romance si corrompue qu'à poinne li uns entend l'aultre et à poinne puet on trouveir a jour d'ieu (aujo.urji'hui) persoue qui saiche escrire ». On voit que la décadence avait été dans le langage aussi rapide et aussi profonde que dans l'État, ce qui s'explique facilement si l'on songe aux rapports étroits qui existent entre le développement d'une langue et celui de la nation dont elle est l'organe.
Une époque de troubles devait être fatale à l'ancien fran- çais tel qu'il était constitué. Une forte et longue tradition eût pu seule le maintenir sous la forme qu'il avait prise, car, nous l'avons dit, avec sa nature mixte, son caractère à demi synthétique, à demi analytique, il était arrêté à moitié du chemin, et il était bien difficile qu'il se tînt là sans pousser jusqu'au bout de son développement logique. Il eût fallu pour cela une époque calme, une autorité littéraire. Rien de ces choses ne se trouva. Le siècle était troublé par tous les excès, l'école dédaignait de s'occuper de la langue com- mune; celle-ci, laissée à elle-même, reprit sa marche, et
LE MOYEN FRANÇAIS. LA RENAISSANCE. 21
toutes les tendances encore vagues au xiii"' siècle commen- cèrent à s'affirmer et à se réaliser.
Une marque pour ainsi dire extérieure de la désorgani- sation qui commence est le désordre qui règne dans la gra- phie du temps. Il n'y avait jamais eu de règle orthogra- phique précise, mais à ce moment-là tous les principes les plus généraux sont méconnus, on n'obéit plus dans l'écri- ture qu'à la fantaisie parfois la plus extraordinaire.
L'emploi des différentes formes n'est pas mieux déter- miné. Des féminins sont remplacés par des masculins, des mots invariables prennent des pluriels, le sentiment de la déclinaison s'en va, les cas se mélangent, le plus souvent le régime supplante le sujet, la conjugaison se trouble, la forme des adverbes est modifiée par un changement sur- venu dans la formation du féminin des adjectifs, con- séquemment la syntaxe s'embrouille, l'article s'emploie ou se supprime sans laison, les prépositions remplacent les cas, et comme le nouvel usage ne se substitue pas d'un seul coup à l'ancien, que les règles strictes de la construc- tion moderne ne s'imposent pas en un jour, les phrases sont parfois obscures, sans qu'on puisse les déclarer incorrectes, car il n'y a plus de correction. On trouvera plus loin le détail de toutes ces nouveautés, et l'on y verra aussi par les exemples comment des formes diverses, des constructions différentes coexistèrent pendant que la langue se transfor- mait avec toutes sortes d'hésitations et de tâtonnements.
16. lia Renaissance. — Ce n'est guère qu'au XV® siècle que les changements sont définitifs et qu'une langue nou- velle, presque complètement analytique, se dégage ; mais à ce moment un événement d'une importance capitale sur- vient : la Renaissance, dont l'effet fut non pas de précipiter ou de ralentir, mais de déranger la langue dans sa marche, tout au moins la langue écrite.
22 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
Grrâce à l'exemple et, dans une certaine mesure, aux leçons et à la direction de l'Italie, on se prit d'une curiosité nou- velle et d'un culte ardent pour les chefs-d'œuvre des civili- sations grecque et latine ; la création de puissantes écoles de recherches comme le Collège de France, le développe- ment de l'imprimerie qui mit à la portée de tous des livres dont un exemplaire avait jusqu'alors coûté fort cher, favori- sèrent ce goût de l'érudition, qui bientôt absorba les meil- leurs esprits, et les poussa à vouloir tout refaire sur le mo- dèle de l'antiquité, la langue comme le reste, de sorte que le commencement du xvi* siècle marque pour le français à la fois un progrès et un recul.
En effet, il y a progrès d'un côté, car la langue française devient peu à peu la langue de tout et de tous. FrançoisI*' l'impose dans les tribunaux, dans les actes publics et pri- vés, il en fait la langue officielle*.
En même temps en littérature le français prend posses- sion d'un genre où jusqu'alors le latin était seul employé, car des théologiens et des philosophes ne dédaignent pas de s'en servir. C'est à la Réforme qu'est dû ce progrès. Les
1. « Pour ce que telles choses (ambiguïté ou incertitude) sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus esdits arrests, nous voulons d'oresenavant que tous arrests, ensemble toutes autres procé- dures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et infé- rieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments, et autres quelconques actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés, et délivrés aux parties en lan- gage maternel françois et non autrement. » (Ordon. de Villers-Cotterets, 1539. Recueil des anciennes lois Jourdan, \II, 2" partie, p. 622.) On raconte que cette ordonnance excita nombre de plaintes et que des dé- putés furent envoyés de Provence pour en montrer les inconvénients, mais que le roi les remit d'audience en audience en leur faisant dire f qu'il ne prenait point plaisir d'ouïr parler en autre langue que la sienne » ; puis les envoyés ayant appris le français et l'ayant harangué en bon langage de Paris, il leur répondit assez judicieusement que, cette langue leur ayant été si aisée, elle le serait bien plus encore aux jeunes gens qui, l'ayant apprise, auraient ainsi une supériorité sur le commun du peuple
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partisans de Luther avaient besoin d'en appeler au peuple, Calvin n'hésita point et, après avoir publié en latin, en 1536, son Institution de la religion chrétienne, il la tra- duisit en français en 1540. Son œuvre magistrale, écrite d'un style précis et énergique, montra que notre « vulgaire » pouvait rendre toutes les pensées, même les plus élevées ou les plus subtiles, et les écrivains protestants suivirent l'exemple du maître. Les catholiques, plus rebelles, après avoir résisté furent obligés de faire comme eux, et ce fut en français que les grands controversistes de la fin du siècle, Du Perron, Du Plessis-Mornay, François de Sales, dispu- tèrent.
Mais le latin, chassé de ses positions, pénètre de son côté le français qui le supplante. Gomme on a besoin, pour s'ex- primer sur ces sujets qui n'avaient jamais été traités en langue vulgaire, de termes nouveaux, qu'on est d'autre part tout imbu de langue latine, on emprunte à celle-ci, sou- vent sans réserve et sans choix. L'exemple avait été donné depuis longtemps, particulièrement par les érudits du xiv^ siècle comme le traducteur de Tite-Live, Bersuire. Reprenant et exagérant leur système, « on despume la ver- bocination latiale », suivant l'expression de Geoffroy Tory. Rien n'est plus curieux que le style de quelques écrivains de cette époque. En voici un exemple cité par M. Darmeste- ter et tiré de Molinet, historiographe de la maison de Bour- gogne : « La très illustre et refulgente maison du seigneur et duc de Bourgogne est magnifiquement fondée sur les sommets des montagnes. Les gens terriens qui sont entendus les victorieux princes et régents et conducteurs du bien publicque sont comme montaignes excelses ou est assis le hault trosne d'honneur vers qui les nobles preux du siècle tournent la face et tendent bras et mains ».
On voit à cet échantillon que Rabelais n'avait pas tort de railler.
24 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
tQf. Premiers granimaîriens. — Chose étrange, les lati- niseurs les plus systématiques de cette époque furent les grammairiens, qui au contraire, semble-t-il, devaient être les défenseurs de l'indépendance de la langue, mais qui en général, par une méprise singulière, n'avaient d'autre ambi- tion pour elle, et ne semblaient concevoir d'autre moyen de la rehausser que de la modeler sur les langues anciennes.
C'était un fait considérable que l'apparition de gram- maires de la langue vulgaire et qui attestait d'une façon définitive ses droits à l'existence. Il y avait bien eu au xiii^, surtout au xiv* siècle, un certain nombre d'ouvrages publiés à l'étranger et destinés à faciliter aux Anglais particulière- ment la connaissance du français. Mais c'est au xvi^ siècle que les études grammaticales commencent véritablement. D'avril 1529 à janvier 1531 paraissent coup sur coup le Champ fleury de Geoffroy Tory, VEsclaircissement de la langue franc oise de Palsgrave, Ylsaguyge in linguam gallicam de Dubois, dit Sylvius. Ces premiers essais furent bientôt suivis des ouvrages de Meigret, de Des Autels, d'une foule d'autres, parmi lesquels il faut noter les noms célèbres de Dolet, de Ramus, de Robert et d'Henri Estienne. Plusieurs de ces derniers étaient de remarquables savants, et des érudits dont certains travaux n'ont pas encore été
Mais tous se trompèrent sur leur rôle. D'une façon générale le grammairien doit se borner à enregistrer l'usage, à le codifier, à en fixer les incertitudes ; il peut, si les circon- stances le lui permettent, essayer de le corriger, il ne sau- rait, en tous cas, le transformer ou le créer. Le tort des grammairiens du xvV siècle fut de ne pas comprendre cette mission et de vouloir violenter la langue, les uns au nom du grec et surtout du latin, les autres au nom de stériles abstractions philosophiques, sans tenir un compte suffisant de la réalité des faits et du vrai génie du français. Il en
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résulta que leurs théories, souvent contradictoires, après avoir fait un certain bruit retombèrent dans l'oubli; quel- ques modifications dans l'écriture, voilà tout ce qui sortit de ces bruyantes tentatives, et il faut se féliciter que l'action des réformateurs n'ait pas été plus considérable. La langue en eût beaucoup souffert; c'était déjà trop que la mode et l'influence des écrivains introduisissent des mots et des tours latins en si grand nombre, forçant ainsi la langue à remonter la pente qu'elle avait naturellement descendue, et à retourner vers ses origines ; il eût été dangereux d'admet- tre a priori, avec des théoriciens de cette époque, qu'il devait y avoir identité entre la règle française et la règle latine, et que l'une devait se former sur l'autre; à l'applica- tion de semblables principes notre langue risquait son individualité.
18. inauence italienne. — Elle subissait aussi, en même temps que cette action savante, une influence étrangère. Les expéditions de Charles VIII, de Louis XII et de Fran- çois I" en Italie avaient fait séjourner au delà des Alpes un grand nombre de Français à qui la langue du pays était devenue familière. D'autre part, tous ceux que passionnait l'étude des sciences, des lettres ou des arts avaient à ce moment les yeux fixés sur la Péninsule. L'influence des Médicis fit le reste. Catherine, ayant épousé Henri II, intro- duisit à la cour les mœurs et la langue italiennes. Une foule de termes étrangers prirent place dans le vocabulaire des courtisans d'abord, du peuple ensuite, et un certain nombre y sont demeurés jusqu'à nos jours.
De bonne heure cependant les partisans de l'italianisme furent vivement combattus, particulièrement par un homme que nous avons déjà nommé, Henri Estienne, dans ses ouvrages sur la « Préeellence du langage françois » et ses «Dialogues du françois italianisé ». Quelquefois l'auteur k
26 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
prend sur un ton très élevé, « parlant en qualité de vrai François, natif du cœur delà France, et d'autant plus jaloux de l'honneur de sa patrie, s'étonnant que MM. les cour- tisans se sont oubliez jusques-là, d'emprunter d'Italie leurs termes de guerre, laissant leurs propres et anciens, sans avoir esgard à la conséquence que portoit un tel emprunt ; car d'ici à peu d'ans, qui sera celuy qui ne pensera que la France ait appris l'art de la guerre en l'eschole de l'Italie, quand il verra qu'elle usera des termes italiens ». Ou bien, mettant plaisamment en scène Geltophile et Philau- sone, Estienne contrefait et raille les imitateurs aveugles de l'étranger. Geltoph. : « Où alliez-vous quand je vous ai ren- contré? Philaus. : Je m'en allés à space; car j'ai ceste usance de spaceger après le past, et mesmes quelque volte inconti- nent après, quand j'ay un peu de fastide ou de martel en teste, » etc.... La conversation continue ainsi dans ce jargon. Malgré les invectives et les plaisanteries la mode dura, grâce aux circonstances. Entretenue par la présence au Lou- vre de Marie de Médicis, par l'arrivée au pouvoir de Goncini sous Louis XIU, bientôt après de Mazarin, l'influence ita- lienne se prolongea jusqu'au milieu du xvii« siècle, et fut ainsi l'une des plus considérables que la langue ait jamais subies.
to. lia Pléiade. — Au premier rang de ceux qui main- tinrent contre les imitateurs de l'Italie ou de Rome les droits de notre langue à l'originalité il faut compter Ron- sard et son école. Boileau s'est trompé étrangement, quand il a dit :
Ronsard.... par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un art à sa mode, Et toutefois longtemps eut un heureux destin, Mais sa muse en français parlant grec et latin Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesquo^
(Art poét., I.)
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Les érudits de notre temps * ont revisé ce procès et défi- nitivement démontré que Ronsard s'est au contraire nette~ ment opposé aux tentatives des « latiniseurs et grécani- seurs ». D'Aubigné nous avait déjà raconté que le maître lui disait, à lui et à ses disciples : « Je vous recommande par testament que vous ne laissiez point perdre les vieux termes, que vous les employiez et deffendiez hardiment contre des maraux qui ne tiennent pas élégant ce qui n'est point escorché du latin et de l'italien et qui aiment mieux dire collauder, contemner, blasonner, que louer, me- priser, blâmer , tout cela est pour l'escholier limousin. » (Avertissement des Tragiques.)
Voilà un témoignage formel, et l'étude du vocabulaire de Ronsard prouve qu'il a appliqué le système qu'il préconi- sait, et qu'il n'a pas parlé davantage grec ou latin que les autres écrivains de son temps : Pasquier, Amyot ou Estienne^.
Il avait, il est vrai, été frappé de la pauvreté du vocabu-
1. Egger, Darmesleter, Gunther (ce dernier dans VArchiv de Herrig).
2. Seulement on avait pris à la lettre les phrases du manifeste de Du Bellay, recommandant de piller les Latins, et on cite comme exemple du prétendu style barbare de l'école le dithyrambe récité à la pompe du bouc de Jodelle :
Evoé, Père, Satyre, Protogone, Evastire, Double-corne, Agnien, Oeil taureau, Martial, Eviea, Porte-lierre, Omadien, Triete, Ta fureur me jette Hors de moy....
avec le refrain
lach, ïach, Evoél Evoé, ïach, ïach !
En réalité, cette pièce n'est qu'un jeu d'esprit fait pour un banquet et publié dans le livret des Folatries (1584) dont le titre indique assez la gravité. Et elle n'est pas même de Ronsard, mais d'un plaisant : Ber- trand Bergier de Montembeuf, natif de Poitiers, « poète bedonnique- bouffonnique », comme dit Du Bellay.
28 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
laire français, et prétend quelque part « qu'il est fort dif- ficile d'escrire bien en notre langue si elle n'est enrichie autrement qu'elle n'est pour le présent de mots et de diverses manières de parler ?> . Aussi veut-il « qu'on profite de toutes les ressources, qu'on prenne la sage hardiesse d'inventer des mots nouveaux, en provignant les anciens, c'est-à-dire en en tirant des dérivés, à condition que ceux-ci soient moulez et façonnez sur un patron déjà reçu du peuple ». En outre on ira chercher dans les termes de métier, dans les dialectes « provinciaux, gascons, poitevins, normans, lyonnois et d'au- tres pays, car toutes provinces, tant soient-elles maigres, servent aux plus fertiles de quelque chose, comme les plus foibles membres et les plus petits de l'homme servent aux plus nobles du corps, et le dialecte courtisan ne peut être parfait sans l'aide des autres, car chacun jardin a sa particulière fleur ».
Ronsard avait pour but de mettre ainsi au service des poètes une langue qui leur fût propre, plus riche, plus expressive, plus élevée que le langage vulgaire. Mais pour que sa tentative réussît, il eût fallu que quelque œuvre durable imposât cette langue littéraire comme Dante avait imposé en Italie le « vulgaire illustre » formé des principaux dialectes italiens. Ronsard, quelles qu'aient été son auto- rité et sa renommée pendant sa vie, ne suffit pas à la tâche; il resta quelque chose de l'effort considérable qu'il avait tenté, la langue s'en trouva enrichie de tours et de mots restés depuis en usage, mais en somme ce fut un principe absolument opposé au sien qui triompha, on n'admit point la distinction qu'il voulait établir entre la langue des poètes et celle du commun. « L'escolle de eeste doctrine, disait déjà Ramus, n'est point es auditoires des professeurs hébreux, grecs, latins en l'université de Paris; elle est au Louvre, au Palais, aux Halles, en G-rève, à la place Maubert. » L'homme qui reprit cette théorie, et qui, contrairement à
MALHERBE. 29
Ramus, sut y conformer son enseignement et ses écrits, en assura le succès. Cet homme, ce fut Malherbe, le poète grammairien, généralement considéré comme le fondateur, presque comme le créateur de la langue moderne.
SO. Malherbe. TVaissance de la langue moderne. —
Nous savons par ce qui précède qu'il ne faut pas entendre littéralement ces expressions de fondateur et de créateur. On doit reconnaître toutefois que de tous les écrivains français Malherbe est^-çelui^^qui a exercé sur notre Jangue l'action la plus profonde. A partir de lui et sous son influence le français entre dans une période nouvelle qui n'est pas
encore terminée...,,, ^
On a peine à s'expliquer au premier abord comment un homme assez médiocre, qui ne paraissait à la cour qu'en qualité de poète courtisan, assez mal rétribué, et qui n'avait guère que quelques disciples (Maynard, Racan, Golomby), a pu jouer un pareil rôle. La raison principale est qu'il est venu à son heure. Il y avait longtemps que, comme le disait Montaigne en 1580, « le langage escoulait toujours des mains » ; tous les vingt ans une nouvelle école le trou- blait, le besoin d'un peu de fixité et d'ordre se faisait sen- tir, tout le monde * était prêt à accepter une règle, fût- elle rigide, telle qu'on la demande quand on a souffert des excès de la liberté, et la réforme telle que Malherbe la com- prit répondait à merveille au désir général. Au lieu d'in- nover, il se borna à enregistrer l'usage et à défendre qu'une fois établi onje changeât. Il n'essaya pas de légiférer, il codifia. Là est le secret de son succès-.
1. Mademoiselle de Gournay attaquait moins Malherbe qu'elle ne dé- fendait Montaigne, son père adoptif; Régnier, pour venger son oncle Desporles, se moquait du regratteur de mots, mais il écrivait une langue très semblable à celle de son adversaire.
2. Malherbe n'a laissé ni grammaire, ni traité quelconque sur ces sujets. Mais il est facile de découvrir ses idées et de reconstruire son
30 HISTOIRE GENERALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
Jugeant que la première cause du désordre était la faci- lité laissée à chaque écrivain de modifier et de créer à sa guise, il s'attacha à imposer à tous une langue unique et uniforme, celle de Paris. Dans sa pensée, cette langue ne devait pas chercher à égaler les anciennes en souplesse et en ahondance, elle devait se distinguer avant tout par la régularité et les qualités qui en découlent, la clarté et la précision.
Pour cela il commença, comme il le dit lui-même, à pla- cer les paroles à propos chacune en leur rang, c'est-à-dire à classer soigneusement les différentes parties de l'oraison ; il s'élèvera par exemple contre les grammairiens qui confon- dent sous le titre de nom l'adjectif et le substantif. Ils doi- vent être distingués l'un de l'autre, comme l'adjectif de l'adverbe, et l'article du pronom. Chacun doit avoir son rôle déterminé et ne pas empiéter sur le voisin. Il ne faut pas dire avec Ronsard :
Las, ce qu'on voit de mondain Jamais ferme ne se fonde.
{Odes, V, 3.)
Ferme est un adjectif et ne saurait tenir lieu d'un adverbe. On n'est pas libre non plus d'exprimer ou de retrancher arbitrairement un mot nécessaire comme un pronom ou un article. Des règles strictes de syntaxe doivent fixer l'emploi comme le rôle des différentes parties du discours.
Une autre nécessité, aux yeux de Malherbe, est d'arrêter l'invasion toujours croissante des termes nouveaux. Espriî lent et pauvre, toujours assuré d'avoir autant de mots que d'idées, il ne se préoccupe point comme ses prédécesseurs d'enrichir le lexique, au contraire, il condamne tous les pro- cédés employés jusque-là pour y parvenir. U proscrit l'em-
système en recueillant les nombreuses observations éparses dans Je c Commentaire sur Desportes ».
MALHERBE. 31
pnint, qu'il soit fait aux langues anciennes, aux langues modernes, aux dialectes provinciaux ou même au vocabu- laire technique des arts et des métiers * ; il veut qu'on use modérément des dérivés et des composés^, en résumé, comme le disait Régnier, qu'on parle « comme à Saint-Jean parlent les crocheteurs ».
Ge ne serait rien encore si Malherbe acceptait au moins leur langue telle qu'elle est, mais il va plus loin et prétend en retrancher un certain nombre d'archaïsmes et surtout des mots qui lui paraissent vulgaires, établissant ainsi par une contradiction singulière avec son système cette ligne de démarcation entre les mots nobles et les mots roturiers qui a subsisté presque jusqu'à nos jours ^.
On voit qu'il traitait un peu la langue comme les méde- cins de son temps traitaient leurs malades, prescrivant la diète et la purge, régime sage, mais débilitant.
L'autre partie du travail auquel Malherbe soumit le lexique fut plus utile. Il comprit qu'il ne s'agissait pas seu- lement de déterminer le nombre des mots, mais leur sens, et protesta contre des abus dans l'expression qui amenaient les poètes du temps à de véritables confusions. C'est ainsi que Desportes prenait déteindre pour éteindre, consumer pour consommer, Malherbe veut rendre impossibles de pareilles inadvertances, et se livre à des analyses souvent très fines, au moins très exactes, pour préciser le sens des mots ; cela fait, il ne veut à aucun prix qu'on force ce sens, mieux vaut s'exprimer autrement *.
1. Idéal, adjugéy avéré, notoire, etc., d'après lui, sentent la chicane ou la scolastique.
2. Il trouve que les diminutifs ne font pas bonne figure ; refuse d'ac- cepter des dérivés comme fallacieux, printanier, soucieux, etc.
3. Ulcère, tresse (de cheveux), oindre, poitrine, rhume, saignée^ cadavre, serf, tintamarre, etc., sont ainsi proscrits par lui.
4. Il remarquera par exemple que adouci n'a pas le sens de doux, qu'asservir veut dire : réduire en servitude, et non : tenir en servitude :
32 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
En somme, comme on peut en juger par ce résumé très général, on ne peut guère dire que Malherbe ait rien créé, ni mots, ni tours. Il a mis de l'ordre dans toutes les parties de Ja langue. Encore n'est-elle pas sortie réglée de ses mains. Les successeurs du maître ont fait autant et plus que lui. Il eut le mérite de leur montrer la voie et de leur enseigner la méthode. Peut-être se trompa-t-il en prêchant trop pour le français le mépris de la richesse à laquelle il préférait la clarté ; plus tard on fit abus de ses théories. En tous cas, il fut un de ceux qui contribuèrent à donner à la langue l'exactitude et la limpidité qui depuis ont été ses qualités principales et l'ont rendue célèbre par le monde.
21. I<'inflaence espagnole. — Mais il s'en faut bien qu'à sa mort l'œuvre fût terminée et que le « tyran des mots et des syllabes » eût entièrement « dégasconné » la cour ^
On continuait à imiter à outrance les Italiens, et en outre depuis quelque temps, depuis que l'ingérence de Philippe II dans nos affaires avait créé entre l'Espagne et la France des relations fâcheuses mais intimes, on s'était mis à « espa- gnoliser », suivant le mot de la Satyre Ménippée. Sous Louis XIII, Cervantes, Antonio Perez, etc., furent étudiés et traduits. La littérature espagnole commença à passer les monts. De là le goût des conceptos, une certaine recherche de la noblesse, voire de l'emphase dans l'expression. Mais
que gravité n'est pas synonyme de pesanteur y cité de viUe^ portail de porte, voir de regarder, etc.
1. Lui-même emplit ses lettres familières de solécismes et de lo tu- tions vicieuses, o Toutes les provinces du royaume, dit M. Livet, avaient alors leurs représentants ; tous les patois s'y parlaient (à la cour); des prononciations diverses défiguraient diversement les mots, et ce serait une grave erreur de penser qu'il y eût alors à la cour un langag choisi, homogène, qui pût agir avec succès sur la littérature. La langue écrite ne ressemblait en rien à la langue parlée ] telle qu'elle était, c'était en quelque sorte un idiome savant que tous entendaient, mais qui n'avait pas cours dans les relations. » (Introd., Préc, VIII.)
LA RÉFORME DU XVIP SIÈCLE. 33
le mal n'avait point encore les proportions que l'esprit d'op- position lui donna sous Richelieu, et jamais il n'eut l'im- portance que Balzac lui attribue quand il dit : « Les courtisans, s'ils eussent été nés à Madrid ou à Tolède, no pouvaient être meilleurs Espagnols : tout le monde couroit en foule et les yeux fermés à la servitude ». On sait com- ment nos plus grands auteurs s'inspirèrent des modèles venus d'Esp?gnc, et l'exemple d'un Corneille montre com- bien le mot de Balzac est exagéré. La France, à l'époque où nous sommes arrivés, est trop en possession d'elle-même pour se vouer à l'imitation servile : on emprunte, on ne copie pas. La langue surtout reste fidèle à son génie ; elle fait son profit d'un certain nombre de mots qu'on lui apporte, mais sans être affectée autrement par la mode nouvelle.
«». Tendances de réforme. — Le mouvement de la langue suit toujours le mouvement politique. Or, à partir de Henri IV, la France ne cesse de marcher vers l'indépen- dance et l'unité : le français commence du même coup à se débarrasser des influences étrangères et s'impose comme unique langue nationale aux habitants de toutes les pro- vinces; et si l'on va au fond des choses, on découvre que ces deux évolutions parallèles ont une cause commune, le développement de l'esprit d'ordre qui triomphe alors par- tout, dans la langue comme en littérature, en littérature comme en politique. Nous retrouverons ce besoin général d'unité et de régularité chez tous ceux qui ont fait alors la langue, précieuses, académiciens, philologues, littérateurs.
Un premier fait à constater, c'est l'universalité de l'effort. Notre « vulgaire », si méprisé un siècle avant, est devenu dans les commencements du xvii« siècle un sujet inépui- sable de conversations et d'études. C'est une véritable fièvre philologique, et les témoignages des contemporains Balzac cl Voiture nous apprennent avec quelle curiosité passionnée
BRUNOT. %
54 HISTOIRE GÉiNÉUALE DE LA LAxNGUE FRANÇAISE.
on suivait les discussions sur ces sujets qui semblent au- jourd'hui si arides. L'adoption ou le rejet d'un mot don- naient lieu à des intrigues, et de grands personnages comme Richelieu ou Louis XIV ne dédaignaient pas d'in- tervenir pour appuyer ou combattre une locution. La gram- maire est alors une science familière aux courtisans, aux mondains et aux femmes.
«3. La cour, les salons. — Une des principales occupa- tions de la société brillante réunie, tantôt à la cour, tantôt chez Mlle de Scudéry, ou chez Ménage, tantôt dans le célèbre hôtel de Rambouillet, consiste à discuter un point de gram- maire ^ Vraies et fausses précieuses, toutes se plaisent, comme nous dit l'abbé de Pure, « à la recherche des bons mots et des expressions extraordinaires, et à juger des beaux discours et des beaux ouvrages ». La seule diffé- rence est que les unes, modestes dans leurs prétentions, s'efforcent seulement d'extirper de la langue quelques expressions malsonnantes, que les autres, exagérant la dé- licatesse et voulant tarir
Ces sources d'un amas d'équivoques infâmes
Dont on vient faire insulte à la pudeur des femmes,
risquaient d'enlever au français toute vigueur et toute pro- priété. Molière avait raison de rire, et Boileau de blâmer, mais il n'en est pas moins vrai qu'il se fit alors dans les salons un travail d'épuration fort utile. On comprit bientôt combien il était ridicule d'appeler une montre la mesure du temps, Thistoire le témoin des âges, un pauvre Venfant de la nécessité, etc., et le bon sens reprit ses droits. Mais
1. Ainsi devait-on dire serge ou sarge Y Madame de Rambouillet disait sarge, mais elle changea d'avis au dire de Patru, et adopta serge. Fallail-il prononcer Iwumc, Roumc, ou homme, Rome ? L'hôtel, con- sulLc, décida pour cette dernière forme, etc.
LA RKFORME DU XVIP SIÈCLE. 55
la langue était à toujours châtiée, elle avait le goût de la décence qu'elle ne perdit plus, et d'autre part elle se trou- vait enrichie d'un certain nombre d'images et d'expressions ingénieuses, car parmi ces courtisans qui faisaient de l'es- prit, il s'en trouvait un grand nombre qui n'en manquaient point.
»4. li'Académie. — Originairement l'Académie n'est qu'un salon comme ceux dont nous venons de parler*, offi- ciellement constitué et doté de privilèges; le Parlement, en enregistrant l'acte de fondation, a soin en effet de remarquer « que ceux de ladite Académie ne connaîtront que de l'or- nement, embellissement et augmentation de la langue fran- çaise ». Les premiers membres comprenaient si bien que là était leur mission, qu'ils s'intitulaient eux-mêmes « des ouvriers en paroles ».
Leurs adversaires ont souvent reproché à ces ouvriers do n'avoir pas travaillé activement et de composer « l'Aca- démie des fainéants » ^. De lait, le dictionnaire ne parut
1. C'est une question fort peu controveicée mais fort discutable que celle de Torigme de l'Académie. Les uns voient son berceau à l'hôtel de Rambouillet. P. Gadot croit et soutient qu'elle prit naissance chez Colletet son ami. Papillon la fait naître des réunions qui se tenaient chez Chauveau le graveur. Pellisson, ami de Conrart, le flatte en le donnant pour le véritable fondateur et le père de l'Académie française. A nos yeux chacune de ces assertions est fausse en particulier, mais toutes ensemble peuvent servir à formuler cette opinion, c'est que l'Académie n'est sortie ni des réunions de Chauveau, de Colletet ou de Conrart, ni de l'hôtel de Rambouillet, ni du bureau d'adresses de Renaudot; elle doit son existence à toutes ces causes réunies, et il est certain que l'Académie, comme toute grande institution, était en germe dans l'air, et avait en quelque sorte pris place dans les mœurs plusieurs années avant que Richelieu songeât à la constituer eu corps. (Livet, Précieux et Précieuses, xxxi.)
2. On connaît les vers satiriques de Boisrobert; d'après lui, l'après- dînée du 18 septembre 1684 fut employée à examiner ce que c'était qu'avoir la puce à Voreille. Après avoir pendant trois vacations donné la définition du mot oreille on en employa deux autres à la corriger, et
56 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
guère qu'au bout de cinquante ans ; encore n'eut-il pas dès sa première édition l'importance et l'autorité qu'il a prises depuis ; quant à la grammaire, elle ne parut jamais; il n'en est pas moins vrai que l'Académie eut dès le xvii« siècle un rôle considérable dans l'élaboration définitive de la langue. Sa création seule avait sa signification, elle mar- quait qu'on entrait dans une période nouvelle de centrali- sation, que l'ère des bouleversements était fermée par l'éta- blissement d'un conseil souverain et perpétuel « dont le crédit établi sur l'approbation publique était destiné, sui- vant l'expression de Bossuet, à réprimer les bizarreries de l'usage et tempérer les dérèglements de cet empire trop populaire ». En outre, quand le temps eut fait naître au sein de l'Académie, comme au sein de toutes les grandes compagnies, une tradition, l'esprit de conservation s'y entre- tint tout naturellement, et elle se trouva, par la suite, in- vestie d'un rôle nouveau, celui de conserver ce qu'elle avait établi, et de fixer autant que possible la langue qu'elle avait réglée.
25. Les philologues. Yaagelas. — Le travail philologi- que qui s'accomplit dans ces réunions est naturellement un travail collectif, issu de discussions et de conférences qui commencent dans les salons et les ruelles pour finir à l'Académie, et auquel la plupart des gens cultivés prennent part.
Néanmoins, il n'est pas difficile de distinguer au milieu de la foule des lettrés ou des mondains quelques hommes qui, par des qualités diverses, se font une place à part et ne tardent pas à prendre la direction du mouvement général. C'est l'avocat Patru qui entreprend de réformer le style ju-
Icn trouva à la fin que l'oreille était l'organe de l'ouïe. Cette définition coula 200 francs an roy.
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VAUGELAS. 37
diciaire; Férudit Ménage, l'oracle, comme on disait alors, pour lequel Balzac brûlait d'amour; des Marais, le P. Bou- hours, Barbier d'Aucour, Thomas Corneille, mais sur- tout et avant tous Vaugelas, le maître des uns, l'adversaire des autres, dont l'autorité fut bientôt si répandue et si incontestée que « parlerVaugelas » devint synonyme de « parler correctemenLi ».
L'école qui triomphe avec Vaugelas est l'école empirique. En cela le législateur du xvii° siècle est d'accord avec Malherbe et ne veut point créer. Il ne décide même pas, il observe. C'est pour cela qu'il écrit des « Remarques » où il se borne à constater l'usage, quel qu'il soit, logique ou absurde. Si Tusage se trompe, si la raison a succombé, tant pis : Communis error facit jus, dit-il.
Reste à définir encore ce qu'on entend par l'usage. C'est d'abord l'usage des grands écrivains : Coeffeteau, Desportes, Combaud, Malherbe, Du Perron, Balzac et Voiture ; de la cour dont font partie également des académiciens comme Serizay,Du Chastelet, et des hommes ou femmes du monde: la duchesse de Longueville, la marquise de Sablé. Enfin, l'usage, c'est l'usage des gens savants en la langue, Cha- pelain, Ménage, Patru, Perrot d'Ablancourt.
Il ne s'agit donc plus d'invoquer l'autorité populaire et de s'en rapporter, comme le voulait Malherbe, aux croche- teurs duPort-au-Foin. Il y a désormais deux sortes d'usage, un bon et un mauvais ; u Le mauvais se forme du plus grand nombre de personnes, qui presque en toutes choses n'est pas le meilleur ; et le bon au contraire est composé
1. Les grammairiens proprement dits, auteurs de traités théoriques, ne manquent pas à cette époque. Mais ils n'eurent aucune action et leurs noms sont obscurs. Citons ceux de Duval, Maupas, Oudin, Douchy, Chifflet, Du Tertre, Irson. L'œuvre la plus importante en ce genre est celle deJLancelot, la Grammaire de Port-Royal, travail d'une haute portée philosophique, mais qui resta sans influence immédiate.
38 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
non pas de la pluralité, mais de l'élite des voix. » Dès que cette élite a jugé, sa décision est souveraine; elle peut inspi- rer des regrets, mais elle doit être obéie, et Vaugelas donne l'exemple de la soumission.
Cette théorie ne fut point admise sans contradictions. Il restait quelques esprits indépendants qui prétendaient ne point se résigner aussi facilement à subir les caprices des coteries. Mlle de Gournay soutenait qu'il fallait faire avancer a langue et d'autre part en conserver l'usage entier sans laisser rien perdre. Scipion Dupleix, La Mothe le Vayer, Saint-Évremond, Ménage et Molière protestèrent sur des tons divers, les uns contre les Précieuses, les autres contre l'Académie, tous contre ce purisme exagéré qui déchar- nait la langue.
Mais la poussée était irrésistible et les plus rebelles étaient entraînés. Molière lui-même imita souvent ceux qu'il raillait; il lui arriva tout comme à Yadius de « parler cercle », et il eût pu dire avec Balzac : « Je ne loue pas l'excès où le désir de la perfection jetait ces Messieurs, je blasme leur intempérance en la recherche de bonnes choses, quoique j'avoue que j'ai quelque obligation à l'intempé- rance que je blasme. Les scrupules d'aulrui m'ont pour le moins rendu religieux. »
Vaugelas eut ainsi dans toute l'étendue de la France d'innombrables disciples; Pellisson nous dit que dès 1652 les Remarques s'établissent peu à peu dans les esprits et y acquièrent de jour en jour plus de crédit; Perrault déclare connaître des provinciaux qui les savent par cœur. Saint- Évremond avoue « qu'elles ont contribué à mettre la langue dans sa perfection », et Louis Racine nous conte que son père, pendant un voyage à Uzès, pour ne point laisser in- fecter son langage de provincialisme, avait eu soin de se munir de l'œuvre du maître qu'il couvrait de notes mar- ginales.
RESULTATS HE I.A HEFORME. 39
*6. Caractère et résultais de la réforme. — La postérité
a cto longtemps d'un autre avis sur Vaugclas, et il était d'usage de le représenter comme formant avec ses disci- ples un cénacle de pédants inutiles et tyranniques. Nous avons montré que le pédantisme était de mode et qu'un peu de tyrannie était de circonstance; et somme toute il n'est pas à regretter que le sceptre soit tombé entre les mains d'un homme de la valeur de Vaugelas : il n'a pas toujours mal usé de sa puissance ; la réforme qui s'est faite alors a eu quelques conséquences fâcheuses, mais aussi beaucoup d'heureux résultats.
D'abord, et ceci est incontestable, la langue s'y est appau- vrie. A être ainsi gueux et délicats à la fois, comme disait Balzac, les puristes ont privé le français d'une foule de termes souvent nécessaires, au moins utiles ; ils en eussent chassé bien d'autres encore si la tradition n'avait été plus forte que leur volonté. On ne voit pas pourquoi ils avaient condamné : partant, au demeurant, moyennant, affable^ prolixe, maintefois, d'aventure, gracieux, bénin, ver- gogne, courtois, etc., etc., il n'y avait aucune raison pour qu'on rayât de la langue des locutions imagées et expres- sives comme : être aux trousses de quelqu'un, tirer les vers du nez, avoir la langue bien pendue, passer par Vétamine, difficile à chausser^ promettre merveille, faire les dégoûtés, sentir le fagot. En procédant ainsi on créait une langue abstraite, sèche, bonne pour le raisonnement et l'analyse, mais qui n'eût bientôt plus rien gardé de sa vi- vacité pittoresque.
Toutefois on a tort de répéter avec Chapelle que cette épuralion ne laissa plus du français qu'une momie dé- charnée. La vérité est que, tout en proscrivant des archaïs- mes, des mots populaires, en surveillant la production des néologismes avec cette prétention un peu ridicule d'arrêter et de fixer le développement de la langue, ni Bouhours, ni
40 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE
Vaugelas, ni aucun de ceux qui les entouraient, ne se refu- sait un terme dont il avait besoin, sauf à le former avec soin et à pouvoir le présenter avec chance de succès.
Nous ne remarquons pas ces mots nouveaux qui nous sont devenus familiers, mais ils sont en assez grand nom- bre. C'est à cette époque que se répandent : sublimité (Chapelain), intrigue, incognito^ désagrément, original, véhément, urbanité, prosateur (Ménage), emportement, calvitie, obscénité (Balzac), intolérance, impardonnable, irréligieux, inattention, indolence, inmanquable, indé- lébile, sécurité, affectueux, respectable, passionnément, intrépide, brusquer, enhardi, atroce, offenseur (Cor- neille), impardonnable (Segrais), s* encanailler ; il y en a une foule d'autres.
Il faudrait relever en outre des associations nouvelles et très nombreuses de mots, des changements de sens qui enrichissent le vocabulaire, des distinctions entre des syno- nymes comme vacance et vacation, fortuné et heureux, antique et vieux, convoitise et cupidité. C'est là surtout que le progrès est sensible, la langue gagne de plus en plus en précision. Il est visible que dans la transformation qu'elle fait subir au lexique, la société d'alors cherche à satisfaire ses besoins et ses aspirations. Écrivains et gens du bel air formés à la solennité et à la pompe d'une cour fastueuse veulent une langue décente, d'où toute trivialité soit ban- nie. Peu occupés delà nature, et tout entiers absorbés dans l'étude de l'homme, de sa vie et de ses passions, ils n'ont que faire d'expressions pittoresques et colorées; il leur faut un instrument d'analyse philosophique, une langue exacte et par conséquent un peu abstraite. Ils accommodentle lan- gage, comme la littérature même, à leurs goûts: on ne sau- rait le leur reprocher.
On peut môme dire qu'en général ils ont fait un choix ju- dicieux des mots. C'est qu'il suffisait pour cela de tact et de
HESULTÂTS DE LA UflFOUME. 41
bon sens. Au contraire, pour établir des règles de grammaire comme ils l'ont voulu faire, il eût fallu une compétence qui a manqué à la plupart de ceux qui s'occupèrent alors de la réforme. Pour fixer une orthographe, pour choisir entre des formes, pour régler une question d'accord ou de construction, il eût fallu une connaissance approfondie de l'étymologie et de l'histoire de la langue absolument ignorée à cette époque. Bien rares étaient ceux qui avaient lu quel- que auteur antérieur au xvi^ siècle. On n'avait pour décider d'autre critérium que l'usage, ici absolument insuffisant; on décida néanmoins, et il en résulta une grammaire pleine d'erreurs, hérissée de difficultés.
Nous ne pouvons point songer à donner ici une liste, même abrégée, des innombrables incohérences alors admises dans l'orthographe, les formes, la syntaxe des mots. On en trouvera des exemples dans chacun des chapitres qui sui- vront, particulièrement dans ceux où nous traiterons de l'orthographe, de l'accord des adjectifs, des participes pré- sents ou passés. Dans la plupart des cas, ou bien on a créé les règles de toutes pièces, ou bien, comme l'usage en ad- mettait plusieurs et présentait des contradictions, sans com- prendre que ces contradictions allaient disparaître, que la langue était sur certains points dans une période de trans- formation où deux usages, l'un ancien, l'autre nouveau, se rencontraient et s'opposaient, on a admis les exceptions comme définitives, puis, pour les mieux consacrer, on s'est efforcé de les justifier en créant des distinctions prétendues logiques, en multipliant les cas particuliers. Il en est ré- sulté ce que l'on sait. Toutes ces bizarreries ont été réunies, et les codes qui les renfermaient ayant acquis, grâce à l'Académie, force de loi, se sont imposés. Les grammaires les ont répandus, et ils sont aujourd'hui encore en vigueur, au grand désespoir de tous ceux qui veulent apprendre le français, enfants et étrangers, et qui sont obli-
42 HISTOIRE GENERALE DE U LANGUE FRANÇAISE.
gés la plupart du temps de renoncer à connaître toutes ces subtilités.
aï. Les g^rands écrivains. — Le mal serait peut-être plus grand, nous avons déjà eu l'occasion de le signaler, si l'influence des grands écrivains n'eût dans une certaine mesure contre-balancé celle des théoriciens à outrance.
On se figure en effet généralement, et c'est là une des erreurs les plus répandues, qu'il n'y a au xvii" siècle, de la mort d'Henri IV à celle de Louis XIV, qu'une langue unique et uniforme. Outre que du milieu à la fin du siècle, par le travail dont nous venons de parler, la langue se trouva modifiée et que Racine n'écrivit plus comme écrivait Cor- neille, Racine lui-même n'écrivit pas comme La Fontaine par exemple. Il y a entre les classiques proprement dits des différences profondes, et il ne faut pas grande érudition pour relever dans chacun d'eux des particularités de lan- gage; Descartes et Balzac ont une phrase encore toute latine; Pascal est plein de verve et de vivacité; Madame de Sévigné fourmille d'expressions familières qui ne sont qu'à elle ; Bossuet a une période savante mêlée de latinismes et de trouvailles de génie absolument originales; La Fontaine est un imitateur du moyen âge ; Molière est plein d'ar- chaïsmes, de mots de la rue ou de la province, etc., etc. Nous ne pouvons entrer dans les détails de ce sujet qui appartient à l'histoire de la littérature; ce qui nous importe seulement, c'est de constater que l'unité ne s'est pas faite tout d'un coup comme on pourrait le croire. Les grands maîtres ont accepté les règles qu'on imposait, mais incomplètement en réservant la liberté de leur génie, et dans la mesure où elles pouvaient s'accommoder avec le besoin de variété et de nouveauté qu'on ne peut jamais détruire.
En corrigeant ainsi ce que la réforme avait d'excessif, ils la consacrèrent. Les chefs-d'œuvre qu'ils donnèrent
I A LANGUE AUX XVIII' ET XIX« SIÈCLES. 43
devinrent des modèles dont les générations suivantes s'efforcèrent de reproduire le style et la langue ; et quand le xviii^ siècle s'ouvrit, le but depuis si longtemps pour- suivi était atteint : il y avait une langue classique désormais soustraite aux révolutions brusques qui avaient si souvent interrompu la tradition littéraire. .
28. La langue aux XVIII* et XIX« siécle.9. — Nous arrê- terons ici cette courte histoire de la langue, car dans l'état actuel de la science, il est assez difficile de résumer même sommairement les changements considérables survenus de- puis cette époque, et quelques recherches personnelles que nous avons pu poursuivre sur des points spéciaux ne nous permettent pas de combler cette lacune. Les matériaux nous manquent pour un exposé, même sommaire, de l'histoire générale.
Nous l'avouons tout franc, non point par une vaine mo- destie, mais pour indiquer ou rappeler au lecteur que le français n'est ni arrêté ni fixé après le siècle de Louis XIV. Une langue ne cesse pas plus de marcher qu'un fleuve de couler; l'impétuosité du cours varie, voilà tout. Ainsi nous n'avons plus eu depuis la Régence de ces révolutions brus- ques comme il s'en était produit antérieurement, les chan- gements survenus ont diminué progressivement en étendue et en importance, mais on se tromperait grossièrement si l'on croyait écrire ou parler, je ne dis pas comme La Bruyère, mais dans le même langage que lui.
Dès le commencement du xviii^ siècle il est visible qu'il se forme deux écoles, celle des conservateurs, à laquelle appartiendra Voltaire, qui a son style à lui, mais non sa langue * ; au contraire celle des novateurs comme Fénelon
1. Toute langue étant imparfaite, il ne s'ensuit pas qu'on doive la changer. Il faut absolument s'en tenir à la manière dont les bons auteurs
44 HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
et surtout Rousseau, qui prclend que « si l'on est intelli- gible, fît-on cinq cents barbarismes, on n'en a pas moins bien écrit ^ ». Entre les grammairiens, mêmes divisions. Les uns proclament les droits du néologisme, tandis que d'au- tres avec l'Académie achèvent de réglementer et d'ordonner le vocabulaire et la syntaxe. Les avis étant ainsi partagés, des changements étaient prochains et inévitables: ils eurent lieu. Tous les grands faits de l'histoire intellectuelle ou politique de la France eurent leur retentissement dans la langue.
Le plus considérable de ces événements, la Révolution, eut pour conséquence l'introduction d'un grand nombre de mots dont quelques-uns disparurent, il est vrai, avec les idées auxquelles ils étaient attachés, mais en outre elle modifia la prononciation, voire le fond même de la langue en ouvrant le langage aristocratique à des façons de parler populaires ou même provinciales.
Le prodigieux développement des sciences entraîna de son côté la création d'une terminologie spéciale qui pénètre peu à peu dans l'usage courant.
Mais un fait aussi important, et qui a eu les consé- quences les plus graves pour l'avenir de notre langue, c'est la révolution littéraire qui s'opéra en 1830 sous l'influence des romantiques. La vieille langue classique avait survécu jusque-là, au théâtre et dans la plupart des écrits, mala- droitement copiée et reproduite. Ce fut alors qu'elle tomba. L'autorité des grammairiens et de la tradition fut mé- connue, la langue parlée envahit la langue écrite, la vieille distinction entre les mots nobles et les mots bas disparut, les vocabulaires techniques furent mis à profit, aux néolo- gismes qu'on créait on ajouta les archaïsmes repris au
Font parlée, et quand on a un nombre suffisant d'auteurs approuvés, la langue est fixée. (Volt., Dict. phil., art. Langues.) 1. Rousseau, Lettre à M. Du Pcyron, 12 avril 1765.
LA LANGUE A IX XVIII' ET XIX» SIÈCLES. 45
Moyen Age ou surtout à la Renaissance, bref, la langue entra dès lors dans le régime de liberté auquel elle est soumise depuis, dont elle profite et dont elle souffre, comme les peuples mêmes; mais somme toute le gain compcoeà peu près la perte, et comme le reconnaît l'Académie elle- même, la démocratie rend au langage en force vive et en mouvement ce qu'elle lui ôte en pureté.
Il serait curieux aussi d'étudier l'histoire extérieure pour ainsi dire de notre langue, de compter les conquêtes qu'elle a faites ou perdues en dedans ou en dehors des frontières de France.
Au xviii^ siècle, elle fut portée avec notre littérature clas- sique dans tous les pays civilisés, et l'on pourrait dresser une longue liste d'écrivains étrangers qui, ayant étudié le français, finirent par le préférer à leur langue nationale et s'en servirent dans leurs ouvrages. Ainsi, en Hollande, les journalistes de « l'Europe savante » Hemsterhuys et d'au- tres ; en Angleterre, Walpole ; en Autriche, le prince de Ligne ; en Allemagne, le roi de Prusse lui-même, Frédéric IL II semble que le français devient vraiment la langue universelle de tous les esprits cultivés, et Rivarol dans un célèbre mémoire explique comment il a mérité cet honneur par le naturel, le bon goût, la clarté, la logique qu'aucune autre langue ne possède au même degré. A ce moment nous régnons en maîtres dans le domaine intellec- tuel. Il s'en faut bien, hélas! qu'il en soit encore ainsi. Les peuples voisins ont reconquis leur indépendance morale aussi bien que politique. Nous leur donnons peut-être plus encore qu'ils ne nous prêtent, mais nous ne pouvons plus prétendre à la suprématie incontestée que nous avons eue autrefois.
Depuis 1815 le français fait d'incontestables progrès à l'intérieur, mais en dehors de la France il est peu à peu abandonné. En cent ans, les patois ont cédé sur beaucoup
46 IIISTOIKE GÉNÉRALE DE LA LANGUE FRANÇAISE.
de points devant lui, et le mouvement s'accentue déplus en plus sous l'influence de l'école et de la presse. On a souvent médit de cette dernière puissance sur laquelle il y a en etfet beaucoup à dire; il faut reconnaître toutefois qu'elle a bien servi la cause de la centralisation linguistique. Si c'est l'école qui apprend au paysan normand, breton ou pro- vençal à lire et à écrire le français, c'est le journal tire à des millions d'exemplaires chaque jour, et réjandu dans les hameaux les plus reculés, qui entretient la connaissance de la langue nationale. Les relations avec les citadins font le reste. Dès aujourd'hui, dans certaines provinces, les bour- gades, même les plus petites, sont gagnées ; dans les villages aussi le paysan entend le français : on peut prévoir le mo- ment 011 ses fils, formés à l'école et à l'armée, le parleront, avec quelques divergences seulement de prononciation et d'habitudes syntaxiques. Si de nouveaux malheurs ne viennent point démembrer la France, le résultat est assuré et prochain.
Aujourd'hui, si l'on comprend sous le nom de français les différents dialectes encore vivants, on peut fixer ainsi qu'il suit la limite de notre domaine linguistique :
Cette limite part de Gravelines, suit les confins du dépar- tement du Nord jusque près d'Armentières où elle entre en Belgique. (Les arrondissements de D. nkcrque et d'Haze- brouck appartiennent au flamand.) D'Armentières elle se dirige vers Aix-la-Chapelle en passant par Gomines, Tour- coing, Hal, gagne Tirlemont (en laissant Bruxelles au nord), Lande n, Tongres et Limbourg au sud d'Aix-la- Chapelle.
De là elle descend brusquement vers le midi jusqu'à Longwy, tourne à l'est, traverse la Moselle aux environs de Thionville, laisse une partie du département à l'alle- mand, entre dans la Meurthe dont elle abandonne une bande étroite au nord-est, atteint les Vosges au-dessous de
LA LANGUE AUX XVIII' ET XIX» SIÈCLES. 47
PhalsLourg, suit à peu près la chaîne jusqu'au ballon d'Alsace, rentre dans le Haut-Rhin entre Danncmaric et A-ltkirch, puis tourne au sud jusqu'à l'Orbe où elle rejoint le provençal.
A l'ouest les limites sont l'Océan. Toutefois la population primitive des îles anglo-normandes parle français.
Mais on doit excepter de ces territoires de langue fran- çaise la partie de la Bretagne où se conserve encore le celtique.
Cette partie est limitée par une ligne qui part de Plou- henan, embrasse Gastelandren, Pontivy, Lochmim', rase Helven, passe à égale distance entre Vannes et Quostem- berg.
Une partie du département des Basses-Pyrénées parle la Lingue Jjasque.
En revanche, le provençal pénètre en Espagne, en Cata- logne, à Valence, dans les Baléares (catalan).
Si de la Méditerranée on remonte à l'est, on a pour li- mites le Piémont, la Savoie, Genève, Neuchâtel, le canton de Vaud et le Valais.
En somme, on comptait en 1851 que sur une population de 36 000 000 d'habitants environ ;
200 000 |
parlaient |
le flamand, |
1160 000 |
— |
l'allemand, |
1070 000 |
— |
le breton, |
160 000 |
— |
le basque. |
200 000 |
|
l'italien. |
100 000 |
— |
le catalan, |
U 000 000 |
— |
le romano-provençal. |
18 900 000 |
— |
le français et ses dialectes. |
Cette proportion a été modifiée sur deux points par les événements politiques. La Savoie et Nice nous ont été données avec des populations dont une partie parle l'italien. D'autre part, la guerre de 1870 nous a fait perdre l'Alsace
48 HISTOIRE GÉNÉRALE DE lA LANGUE FRANÇAISE.
et la Lorraine dite allemande, dont un certain nombre d'habitants fièrent dans la statistique ci-dessus comme parlant allemand.
Il faut ajouter que le français se parle en outre dans nos colonies, dans les pays même comme le Canada ou Haïti dont nous avons été dépossédés, tant l'empreinte que le génie de la France a laissée a été profonde. Mais le déve- loppement de la marine britannique a fait peu à peu de l'anglais la langue des relations commerciales sur les côtes lointaines. Les pays oii nous gardons notre influence se font de plus en plus rares. Le Levant nous échappe, l'Egypte passe à la domination anglaise. Les îles de la Mé- diterranée se peuplent d'Italiens et le français recule peu à peu devant la langue des nouveaux venus. On a essayé, il n'y a pas longtemps, de le chasser des relations diploma- tiques où, comme on sait, il est seul en usage depuis le traité de Nimègue. Les douloureux événements qui nous ont fait perdre l'hégémonie en Europe ont du même coup atteint le prestige de la langue française. Néanmoins, comme notre génie n'a rien perdu de sa vitalité, que notre civili- sation, notre supériorité artistique ont gardé leur empire et leur charme, que notre littérature brille parmi toutes les autres du plus vif éclat, on a encore le plaisir d'entendre parler le français un peu partout, dans les salons de Rome comme dans ceux de Pétersbourg, car notre langue n'a pas cessé d'être cultivée et aimée par tous les esprits d'élite qu'une haine dédaigneuse n'anime pas contre la France,
LIVRE II
LA PHONÉTIQUE. LES SONS
CHAPITRE PREMIER
VOYELLES ET CONSONNES
29. Pour comprendre la possibilité de changements dans la prononciation, il est nécessaire d'expliquer avec quel- ques détails comment se classent les sons du langage, quels rapports et quelles différences ils ont entre eux. La leçon sera rude et rappellera la scène fameuse du Bour- geois gentilhomme. Mais elle est l'introduction nécessaire de toute étude phonétique. La liste alphabétique des sons ou plutôt des lettres que l'on donne ordinairement ne peut suffire. Traditionnelle et nullement scientifique, elle isole des sons voisins et rapproche ceux qui n'ont entre eux au- cune parenté, et par conséquent ne laisse nullement deviner comment ils ont pu s'échanger.
On distingue en général dans les mots des voyelles qui, prononcées seules, forment une voix^ c'est-à-dire un son, et des consonnes qui ne forment un son distinct que si on les prononce avec des voyelles. Cette classification est défec- tueuse; elle donne une idée inexacte des faits, car il est
BRUNOT. 4
50 PHONÉTIQUE.
faux que les consonnes aient besoin pour se faire entendre d'une voyelle d'appui. Ainsi Vs se prononce fort bien seule.
Il faut, pour démêler les éléments matériels du langage, remonter un peu plus haut.
On sait qu'un courant d'air passant à frottement à travers un tuyau ou sur une arête, fait naître un son. Ce son, lors- qu'il SG rattache à une vibration régulière et rythmique du corps ébranlé ou de l'air environnant, prend le nom de son musical ou simplement et proprement de son. Au contraire lorsque la vibration est irrégulière, que des intervalles iné- gaux séparent ses ondulations successives, l'oreille perçoit l'impression, non plus d'un son, mais d'un bruit.
Or, les organes de la respiration peuvent produire chez l'homme, soit par inspiration, soit par expiration, des sons et des bruits très nombreux.
Sauf des cas très rares, c'est le courant d'expiration qui est seul employé par la parole. En outre, parmi les sons déterminés par le passage de l'air le long du trajet du pou- mon aux lèvres, l'homme n'utilise que les sons formés dans le larynx par les cordes vocales.
Le langage articulé est la combinaison de ces sons avec les bruits formés dans la voie aérienne, au larynx, à la ca- vité buccale. Ce sont les sons que les grammairiens dési- gnent sous le nom général de voyelles, les bruits qu'ils confondent sous le nom de consonnes.
30. Voyelles. — On désigne sous le nom de résonance le phénomène de la vibration communiquée par un corps vibrant à un autre corps voisin. L'ébranlement de celui-ci donne alors lieu à un son qui, ou bien est identique au premier et alors se confond avec lui en le renforçant, ou bien en diffère, et alors produit une impression auditive spéciale qui, combinée avec la première, modifie l'impres- sion générale reçue par l'oreille.
DES VOYELLES. 51
Or, grâce à la structure de l'appareil vocal, le son pro- duit dans le larynx humain peut être soumis à l'influence de divers genres de résonances, car c'est principalement la cavité de la bouche qui fait l'office de caisse de résonance, et la mobilité des joues, des mâchoires, de la langue, des lèvres, permet d'en varier la forme. Le son modifié par la résonance prend chaque fois un timbre différent, même au cas où il ne varie ni en hauteur, ni en intensité ; chaque fois il donne naissance à une voix ou voyelle différente.
Or, la longueur, la largeur, la forme intérieure du tuyau d'émission pouvant être variées à l'infini, et une voyelle correspondant à chacune des dispositions de ce tuyau, il en résulte que le nombre des voyelles possibles est à peu près indéterminé.
31. A. Il y a d'abord les voyelles fondamentales et typiques, qu'on retrouve dans toutes les langues : u (ou), o, a, e, i, qui sont liées entre elles par une série presque indéfinie de transi- tions peu sensibles. Ainsi, quand on -avance les lèvres le plus possible en les arrondissant, la langue €* le larynx étant tout à fait baissés, on entend le son ou. Pum, à mesure qu'on relève le larynx et la langue, et qu'on ouvre les lèvres en diminuant la longueur de la cavité buccale, du son de ou on passe aux sons de o fermé encore très grave, comme dans apdtre, puis de 0 ouvert, comme dans note, ensuite on arrive à l'a.
A ce moment, les lèvres ont été ramenées en arrière et légère- ment ouvertes, le larynx est à la hauteur normale. On est au milieu de la chaîne. Si la progression continue et qu'on élève de plus en plus le larynx et la langue en ouvrant les lèvres, on passe à i'e d'abord, enfin à l'i, quand le tuyau tout à l'heure très allongé a atteint la moindre longueur possible.
L'a est donc au milieu, Vi et Vu (ou) aux deux extrémités de de la chaîne des sons voyelles.
Aucune langue ne possède la série complète de ces sons voyelles, mais toutes en ont un bien plus grand nombre que leur alphabet ne le ferait supposer. De même qu'en fraiiçais la lettre o sert à la fois à représenter les deux sons très difierents qu'on entend l'un dans clore, l'autre dans clos, en latin déjà des voyelles distinctes étaient confondues dans l'écriture. U y avait un son d'à ouvert et un autre d'à fermé, etc., et quand on dit que le latin vulgaire avait Vu (ou), l'o^ Vn>, etc., il faut en-
52 PHONETIQUE.
tendre que chacun de ces caractères représente moins une voyelle qu'un groupe de voyelles.
3». B. A côté de cette première série de voyelles, les lan- gues ont des sons mixtes, comme Vu et Veu français, qui se produisent lorsqu'on prononce une voyelle en donnant au creux des lèvres la forme qui conviendrait à une autre voyelle, de façon k disposer une partie des organes pour prononcer l'une, l'autre partie pour prononcer l'autre.
Ainsi, ouvrez la bouche comme pour Vou et dites i, le son que vous faites entendre est un u [u français). Le latin ne con- naissait pas le son de ew, intermédiaire entre o et e, mais il avait dans quelques mots étrangers Vil représenté par y grec. Les voyelles se présentent donc dans l'ordre suivant :
/\
o - eu - e
/ \
u (ou) — u (u) — i
Dans tous les cas que nous avons examinés, la résonance ayant lieu uniquement dans la cavité buccale, tous les sons dont nous avons parlé sont purs. Mais si le voile du palais, au lieu d'être élevé, ne ferme plus les fosses nasales, à la réso- nance de la bouche s'ajoute une résonance particulière pro- duite dans cette seconde cavité. Les voyelles, de pures qu'elles étaient, deviennent nasales ; ainsi a dans champ ^ o dans f}ont.
33. Quantité des voyelles. — Les voyelles peuvent ise prononcer vite ou lentement; a se prononce plus vite dans patte que dans pâte. Bans le premier cas elle est dite brèvey dans le second longue. Une même voyelle change ainsi de quantité suivant les cas^
La quantité, un peu indéterminée en français, était très strictement réglée en latin classique, et c'est sur elle que reposait, comme on sait, le système de versification des Latins. Mais en latin vulgaire la distinction de quantité était devenue une distinction de qualité, c'est-à-dire que la différence de longueur était devenue une différence de
1. Nous marquerons les longues du signe ', les brèves du signe ",
DES CONSONNES. 53
timbre, par conséquent de nature, e bref ayant donné par exemple un è (ouvert) tandis que e long donnait un é (fermé).
34. Doubles myelles, diphtongues. — Deux voyelles peuvent se juxtaposer dans un mot. On les entend alors l'une après l'autre distinctement avec leur son propre : ainsi dans le français boa., pliaraon.
Mais si, au lieu de prononcer ces deux voyelles succes- sivement, au moyen de deux efforts distincts de la voix, nous passons rapidement de l'a à Vu (ou) par exemple en prononçant une voyelle pendant que les organes changent de position, nous entendons non plus a et w, mais un son composé et double qu'on appelle diphtongue.
Il y a toujours un des deux éléments de ces sons doubles qui prédomine et s'entend plus fortement, et ce fait a une impor- tance considérable dans l'histoire des diphtongues (voir p. 73).
Le latin classique avait gardé quelques diphtongues. Mais le latin populaire les laissa tomber de bonne heure, sauf au (prononcez comme en allemand Bau) ; encore passa- t-il bientôt à o. Ex. : causa^ cosa = chose,
35. Consonnes. — Nous avons dit que les consonnes étaient proprement des bruits déterminés volontairement dans les voies respiratoires au moyen du courant d'air. Mais les seuls de ces bruits qui soient employés par le lan- gage articulé sont les bruits de bouche.
Ces bruits n'ont en eux-mêmes qu'une faible sonorité et ne se font entendre, en général, d'une façon distincte que grâce à leur réunion avec les sons voyelles qui les précèdent ou qui les suivent. De là le nom de consonnes ou consonnantes (qui sonnent avec, consonantia) qu'on leur avait donné.
36. Sourdes et sonores. — Remarquons toutefois qu'un
54 PHONÉTIQUE.
môme bruit de consonne augmente notablement en sonorité si Ton applique à sa formation non plus un courant d'air muet, mais un courant d'air sonore. Le premier se produit quand la glotte est grande ouverte, le second quand elle est rétrécie et que l'air fait résonner les cordes vocales en frottant contre elles.
Il en résulte qu'un même bruit se présente dans le lan gage articulé sous deux formes : une forme sourde, un forme sonore. Ainsi comparez cetg',tetd'yfetv.
31. On appelle souvent les consonnes comme c, i, etc., les fortes; les autres, d, v, etc., sont nommées par opposition les faibles. Cette appellation, qui vient d'une ancienne théorie erronée, a cependant cet avanta'i^e de constater aussi un fait exact. C'est que la consonne faible, sonore par elle-même, est prononcée plus faiblement. La forte, au contraire, étant sourde ou à peu près, est marquée par une prononciation plus éner- gique. A un certain point de vue, le v peut donc être considéré comme un alTaiblissemcnt de 1'/, le g du c, et c'est une obser- vation tjui a son importance en phonétique.
Cette première distinction faite, on peut classer les principales consonnes d'après deux principes : l" d'après le mode de bruit qui les constitue; 2° d'après l'endroit où se forme ou semble se former ce bruit.
38. Continues et instantanées. — En effet, P le bruit peut être ou continu ou au contraire instantané. Dans le premier cas, l'air passe lentement, mais sans être arrêté, dans un espace resserré. Il y a des continues spirantes: s, z, vibrantes: r, li- quides: 1, aspirées: h, etc. Dans le second cas, au contraire, on forme sur le passage de l'air, soit au moyen des lèvres, soit au moyen de la langue et du palais, un obslacle qu'on supprime brusquement: on a comme une explosion de l'air qui sort tout à coup. C'est ce qui a lait donner le nom d'explosives aux consonnes ainsi produites : c (/c), p, t, etc.
39. Gutturales, dentales, labiales. — 2° Explosives ou conti- nues, toutes ces consonnes se classent par rapport au rôle des organes qui concourent à les former, c'est-à-dire qu'elles por- tent le nom de l'organe qui a le principal rôle dans leur pro- duction.
DES CONSONNES. 55
En effet, pour prononcer une explosive, on peut former l'ob- stacle à des endroits différents, tantôt en appliquant la partie moyenne ou postérieure de la langue contre la partie postérieure du palais voisine du gosier; on produit des consonnes qui pour cette raison portent le nom de gutturales (guUur, gosier) : /c, g.
Si, au contraire, l'obstacle est formé parlesdents et le palais, où l'on appuie l'avant de la langue, l'explosive produite porte le nom de dentale ou linguale : i, d.
L'obstacle est formé par les lèvres, on a une labiale: p, b.
Mêmes observations pour les continues. Comme le passage étroit peut se trouver vers la gorge, ou aux dents, ou aux lèvres, on a alors des continues gutturales, dentales ou labiales.
40. Marginales. — On désigne sous le nom de marginales des consonnes produites dans une quatrième région, savoir sur le bord de la langue. Le courant d'air, au lieu de traverser la bouche suivant la ligne médiane, trouve dans la pointe de la langue, appuyée contre les dents un obstacle à sa marche. AloVs il s'écoule par-dessus le bord du dos de la langue et s'écliappe par-dessous cet organe.
Parmi les consonnes marginales ainsi produites, il faut comp- ter le cli et le j, l'i, le y consonne (comme dans yeux).
41. Nasales. — On rangô aussi parmi les consonnes des sons qui ont une importance considérable dans le langage, et qu'on désigne d'habitude sous le nom de nasales, comme Vm et Vn.
Ce qui leur donne un caractère propre, c'est la résonance particulière qu'ils subissent.
L'air au lieu de s'échapper par la bouche passe par le? fosses nasales. La bouche est fermée. C'est un cul-de-sac d'où 1^ cou- rant ne peut sortir, tuais dont la résonance se mêle à celle des fosses nasales.
La nature du son ainsi produit chaniïe suivant la profondeur de ce cul-de-sac, c'est-à-dire suivant l'endroit où il est fermé. Si ce sont les lèvres qui sont jointes, on a un m, dit quelquefois pour cette raison nasale labiale. Si l'occlusion se réalise entre la pointe de la langue et le palais, on a un n.
48. Semi-voyelles. — Les deux voyelles extrêmes prennent très souvent un son de consonne rTuCou), de consonne labiale ; ri, de consonne marginale. On entend le premier dans fouet, le second dans yeux. Vi consonne surtout a joué un rôle consi- dérable ; nous le noterons par y.
56
PHONÉTIQUE.
Les consonnes usuelles en latin et en français peuvent donc se classer comme il suit :
EXPLOSIVES |
CONTINUES |
||||||||
Oa INSTANTANEES |
iX! |
||||||||
Cfi |
SPIRAYIES |
||||||||
H |
U |
H |
|||||||
-•*: |
~— ^ ' |
S |
•-j |
||||||
^ |
g |
u |
ffî |
S |
:^ |
-< |
|||
D |
D |
PS |
tn |
M |
p |
H |
LJ ^ |
-< |
|
O P |
O |
O |
o |
o 2 |
CQ |
O > |
z |
||
o |
m |
en |
|||||||
S |
2 |
«n |
|||||||
o |
O |
||||||||
P |
b |
f |
V |
u(w) |
|||||
Labiales .... |
m |
||||||||
Dentales |
t |
d |
. . |
S |
z |
r |
n |
||
Gutturales .... |
C(k) |
^ |
h |
. . |
. |
, . |
. |
. |
|
Marginales. . . . |
• • |
ch |
j |
I |
• • |
i (y) |
. . . |
Il sera utile de se reporter à ce tableau pour suivre les affaiblissements ou les permutations des sons dont nous aurons à parler plus loin (Voir page 58),
CHAPITRE II
IDEE SOMMAIRE DE LA PHONETIQUE
43. Prononcer correctement une langue, c'est donner à chacun des éléments, voyelles et consonnes, qui composent le matériel de cette langue, la valeur exacte qu'il doit avoir, et la diversité de ces éléments fait qu'il est très difficile, même à un homme cultivé, d'observer en pareille matière; une rigoureuse exactitude.
Nous pouvons nous en apercevoir chaque jour. Ceux-là
LA PRONONCIATION. 57
même qui ont étudié à fond leur propre langue d'après des règles strictement fixées, et qui s'efforcent de la parler cor- rectement, ne peuvent s'empêcher d'en modifier la pronon- ciation suivant leurs aptitudes et leurs habitudes physiolo- giques. Ces aptitudes et ces habitudes diffèrent d'un climat à un autre, et d'un siècle à un autre siècle. La prononcia- tion varie suivant les lieux et suivant les temps. Quand les circonstances favorisent ces changements, c'est-à-dire quand aucune autorité littéraire stable ne maintient une prononcia- tion uniforme et traditionnelle, les sons s'altèrent très rapi- dement, les mots se déforment au point de devenir mécon- naissables.
C'est ainsi que le latin populaire, porté chez des popula- tions ignorantes et bientôt abandonné à lui-môme, fut pro- fondément et diversement transformé en Italie, en Espagne, en Gaule. Chaque peuple, chaque groupe d'hommes qui le reçut et l'adopta, obéissant à une loi instinctive de la race, chercha à l'accommoder à son génie, dans la prononciation comme dans le reste, de façon à le parler avec le moin- dre effort possible. Ce sont ces changements que nous nous proposons tout d'abord d'étudier. On les appelle pho- nétiques, du §Tec phonètikos (relatif au son).
On sait combien ces changements ont été considérables et divers. La comparaison de quelques mots latins avec les mots français qu'ils ont donnés suffirait du reste à le mon- trer. A quelle distance heur se trouve de auguriv/m et eurent de habuerunt !
Il y a eu : P une action des sons les uns sur les autres, qui a amené, tantôt une dissimilation entre deux sons iden- tiques, tantôt une assimilation plus ou moins complète entre deux sons primitivement différents.
Orphaninum devenant orphelin par le changement d'un de ses nen l offre un exemple du premier phénomène.
Angusiiam devenant angoisse et laironem donnant
58 PHONÉTIQUE.
larron offrent un exemple du second. Dans un cas, c'est la première consonne qui a assimilé la seconde ; dans l'autre cas, de beaucoup le plus fréquent, c'est au contraire la seconde qui a modifié la première.
2° Il se produit des métathèses, c'est-à-dire que des sons changent de place dans l'intérieur d'un mot. Glorimn de- vient ainsi gloire, Vi ayant passé par-dessus l'r. Parmi les consonnes, 1'/ et l'r ont une tendance particulière à se trans- poser. C'est comme cela que vervecem donne brebis, et singultum, sanglot.
3° Des sons disparaissent, au commencement, au milieu, ou à la fin des mots : apotheca devient boutique, fortem, fort; spasmare, pâmer.
4° Au contraire, des sons nouveaux s'introduisent, dits sons euphoniques, qui sont destinés à faciliter la pronon- ciation des mots. Exemple : scribere, escrire, écrire; pon{e)re, pondre.
5° Enfin, les sons permutent entre eux: les voyelles pleines sont remplacées par des voyelles plus sourdes, les consonnes fortement articulées par des consonnes plus fai- blement articulées. L'explosive passe à la continue, la forte à la douce, etc. Exemple : fahann, /eve.
44. Existence de lois. — Il semble au premier abord que quand le latin fut adopté en Gaule, chacun, cherchant à économiser l'effort, ait dû modifier la prononciation des mots suivant sa commodité et à sa guise. Et cependant une première réflexion indique déjà que, une langue étant un instrument servant à l'échange des idées, l'homme qui en use pour se faire entendre de ses semblables est forcément obligé de parler comme eux ou à peu près, sous peine de n'être pas compris; le langage échappe donc ; ar suite de cette nécessité, au moins dans son ensemble, a l'influence des fantaisies individuelles
LES LOIS PHONÉTIQUES. 59
La science moderne a montré en outre, comme nous l'avons déjà indiqué dans notre préface, que, sauf dans certains cas, les transformations des langues échappent non seulement au caprice individuel, mais, d'une façon géné- rale, au caprice.
En particulier, un son n'est pas traité d'une façon dans un mot, et d'une façon différente dans un autre ; il ne se maintient pas ici pour tomber là. Il subsiste ou se modifie toujours de la même façon. Ainsi quand le latin devient le français, l'a ne s'affaiblit pas dans un cas en o, ailleurs en e ; quel que soit le résultat, il ne varie pas d'un exemple à l'autre. Supposons un a atone et placé après la ionique^ dans la dernière syllabe, il s'affaiblira en un e muet, dans rosa, la rosQ, comme dans /*o/za, la feuilh, comme dans amatSim, aimée.
Un p initial demeurera un p en français aussi bien dans parem, pair, que dans ^atrem, père, aussi bien dans pira, T^oire, que dans -populum, peuple.
Et il n'y a pas là une coïncidence fortuite. On peut répéter l'expérience en examinant tous les mots directement venus du latin qui présentent l'a atone à la finale ou le p à l'ini- tiale, on verra que les deux faits que nous venons de si- gnaler se reproduisent toujours d'une façon constante et générale. L'évolution phonétique comme les autres est sou- mise à des lois déterminées.
Ce résultat est acquis aujourd'hui, bien que de prime abord il semble en contradiction avec ce fait que l'homme transforme sa langue librement. Il est vrai que les transfor- mations des sons comme les autres sont dues à l'action de la libre volonté humaine. Mais cette volonté, encore qu'elle agisse librement, se détermine sous l'impulsion de motifs et d'habitudes qui sont le résultat de causes multiples.
1. Voir page 63 l'explication de ces mots.
60 PHONETIQUE.
L'homme obéit instinctivement à ces causes inhérentes à son organisme physique et intellectuel, physiologique et psychologique, et par conséquent fatales.
Il resterait toutefois à expliquer pourquoi il en est ainsi.
Mais la grammaire ne va point chercher si loin ni si haut ses problèmes. Gomme d'autres sciences, la chimie ou la physique par exemple, elle démêle, sous la diversité ap- parente des faits particuliers, l'application constante de lois générales; elle s'occupe alors de dégager ces lois sans avoir la prétention d'expliquer d'où elles viennent ni pour- quoi elles sont obéies.
L'étude des causes, tout au moins des causes dernières, trop hypothétique et obscure est en dehors de son domaine, elle appartient à la philosophie du langage. Du reste ces causes seraient-elles insaisissables que les lois n'en subsis- tent pas moins et gardent toute leur importance.
43. Gomme toutes les sciences, la phonétique a des lois très générales, qui tiennent à la nature même de l'homme et dominent toutes les variétés des langues et des dialectes. Ainsi on constate que tous les sons tendent à s'affaiblir dans la prononciation ; c'est là un principe universel.
Il y en a un autre, c'est que cet affaiblissement n'est ja- mais brusque, et que les changements se font peu à peu, qu'on ne passe d'une forme latine à une forme française, par exemple, que par une suite d'intermédiaires.
Le premier de ces principes est celui qu'on a appelé prin- cipe de la moindre action. Le second est dit principe de transition.
Mais l'application qui est faite de pareils principes varie suivant les races et les temps. D'un groupe d'hommes à un autre, elle n'est plus la même; l'espagnol n'observe point les mêmes lois que l'italien, ni le normand que le lorrain. Chaque langue, chaque dialecte, chaque sous-dialecte a
EXCEPTIONS AUX LOIS PHONÉTIQUES. 61
ainsi dans sa phonétique des particularités qui procèdent du génie propre des populations qui le parlent.
D'époque à époque, mêmes changements. Les principes universels sont seuls éternels. Mais les lois particulières sont susceptibles de changer de siècle en siècle, de généra- tion en génération, comme elles changent de province à province et de village à village.
La plupart de ces changements n'ont d'autre cause que le mouvement même de la langue qui résulte du mouvement correspondant de la race.
Cependant il faut noter ici, parmi les causes de changements anormaux, rinfluence savante qui, entravant l'action des lois phonétiques, finit peu à peu par en amener la chute.
En voici un exemple. Le latin populaire avait coutume de placer un i devant les groupes sp^ st, de dire istatum (état), ispatam (épée). En ancien français, cet i est devenu un e. De là les mots estât, espée (plus tard état, épée), sur le modèle des- quels on refait d'autres mots tous précédés de Ve. Or, dans les mots formés par les savants, cet e n'existe pas. De là les formes statue, squelette. Le peuple, néanmoins, continue à dire un esquelette, une estotue, un escorpion. Mais l'autorité littéraire finit le plus souvent par triompher et fait tomber l'ancien usage régulier en désuétude.
Nous avons dit que les lois phonétiques ne souffrent pas d'exception. Il faut entendre que l'action de ces lois s'étend à tous les mots d'origine populaire.
On ne doit pas, en effet, considérer comme des excep- tions les exceptions apparentes, qui s'expliquent aisément :
1° Quand on compare les mots loyal eimortelj venus l'un de legalerriy l'autre de mortddem, il semble que la règle qui veut que a dans ces conditions se change en e soit contredite par le premier exemple. C'est qu'ici, comme dans un certain nombre de cas, la langue a admis deux développements parallèles d'un même son. Il n'y a pas en présence une rè- gle et une exception, il y a deux règles.
2» Un certain nombre de mots n'ont pas la forme qu'ils
62 PHONÉTIQUE.
devraient avoir régulièrement, parce qu'ils ont été refaits par analogie avec d'autres. Ainsi rigidwn devrait donner au masculin voit. Mais ce masculin a été refait sur le féminin roide, de là la présence de Ve. Maritare donnait régulière- ment marder. Mais on a refait sur mari^ marier. De même dolorem a donné douleur et a entraîné douloureux au lieu de doureux; honeur a amené honorer au lieu de ondrer. Tous les verbes de la conjugaison en ier de l'ancien français ont été refondus sur ceux en er. Aidier, mangier, cherchier, sont devenus aider^ manger^ chercher.
Les faits de ce genre sont très fréquents. Le jeu des lois phonétiques amenait souvent une grande complexité de for- mes. Le besoin de simplification a été plus fort. On a re- formé des séries de mots sur d'autres types malgré les lois phonétiques, et les mots ainsi refondus sont devenus autant d'exceptions. Il faut, dans la phonétique comme dans la syntaxe et partout, tenir le plus grand compte de cette action perturbatrice de l'analogie.
3° Un grand nombre de mots ont des formes contraires aux lois de la phonétique française, parce qu'ils nous sont venus du latin par l'intermédiaire d'une autre langue dont ils ont gardé les formes.
Ils sont d'autant plus susceptibles d'induire en erreur qu'un certain nombre d'entre eux ont des apparences toutes françaises. Ainsi, s'il est facile de reconnaître la provenance de mots comme burlesque, cantate, piano, ou blocus^ le mot abeille, par exemple, a bien l'air français; on est dès lors porté à se demander comment le 6 a pu subsister. C'est que abeille est un mot provençal.
4° Enfin un très grand nombre de mots français sont, comme nous le verrons, en parlant du vocabulaire, de for- mation savante. Quelques-uns sont très anciens et ont subi des changements postérieurs à leur entrée dans la langu3; néanmoins il est évident que, issus du caprice
HISTOIRE DES VOYELLES. 6^5
individuel et formés ou transcrits comme il a plu à leur créateur, ils échappent complètement à l'analyse phoné- tique. Beaucoup sont fort difficiles à reconnaître et ne se distinguent des mots populaires par aucun caractère exté- rieur immédiatement apparent. C'est une question d'his- toire qui se pose à propos de chacun d'eux.
HISTOIRE DES VOYELLES
46. Voyelles atones et voyelles toniques. — Les peu- ples qui du latin ont fait le français, quelque loin qu'ils soient allés dans la voie de la simplification, et quelque profondes que soient les modifications qu'ils ont fait suhir aux mots, ont observé cependant la règle essentielle de la prononciation latine, celle de l'accentuation.
On sait que, dans toute langue, un mot de plusieurs syl- labes a toujours une syllabe dominante qui est le centre au- tour duquel les autres viennent se grouper, c'est la syllabe accentuée ou tonique ; les autres sont dites non accentuées ou atones (de atonos, sans accent). Il en était ainsi en latin, où chaque mot, sauf quelques proclitiques, avait une syl- labe accentuée. Gomment cette accentuation se marquait-elle? Par une élévation de la voix montant d'un ton ou d'un demi- ton, par exemple? par une intensité plus grande du son poussé avec plus de force? ou de ces deux façons à la fois? La question a été très controversée.
En tous cas, l'accent tonique, comment qu'il fût marqué, l'était fortement, et avait une extrême importance. Il était, comme on l'a dit, l'âme du mot, et l'on peut se rendre compte, sinon de ce qu'était cet accent, au moins du rôle qu'il jouait, en observant la prononciation de certaines lan- gues modernes, comme l'allemand ou l'italien. Il suffit de déplacer l'accent d'un mot pour n'être plus entendu.
L'accer.t tonique en latin ne pouvait se trouver qu'à deux
04 PHONÉTIQUE.
endroits : sur l'avant-dernière syllabe du mot si cette syl- labe était longue, sur la précédente si l'avant-dernière était brève. Dans Romànus, l'accent était sur l'a; dans dàminuSy i étant bref, l'accent était reporté sur l'o de la syllabe anté- pénultième, c'est-à-dire de la troisième en commençant par la fin. En termes techniques, le premier mot considéré au point de vue de l'accent est un paroxi/toUy le second un proparoxytonK
Outre cette accentuation principale, la première syllabe de chaque mot ou syllabe initiale était marquée également par une élévation de la voix moins forte que sur la tonique, et qu'on a nommée pour cette raison accent secondaire.
Ces deux accents se confondaient quelquefois dans les mots dissyllabiques, comme mare, ou dans des mots comme dôminus, qui ont l'accent principal sur l'initiale. Mais ils étaient distincts dans sani'àtem, dans ecclèsiaj par exemple.
Accent principal et accent secondaire se sont également maintenus dans le latin populaire et dans le roman. Ce fait est d'une extrême importance et domine pour ainsi dire toute la phonétique. Il a eu en effet pour résultat, d'une part, d'assurer aux syllabes ainsi marquées une plus grande consistance, et au contraire d'entraîner l'assourdissement ou la chute des syllabes voisines atones.
En effet, toute prononciation plus marquée d'une syllabe particulière amène un abaissement de la voix sur les syl- labes environnantes, qui perdent ainsi de leur force : cette règle se vérifie même en français. L'e muet après la syllabe accentuée, qui s'entendait encore autrefois, a fini par devenir absolument muet dans mèrQ par exemple, qu'on prononce comme 7ner; de même dans l'intérieur des mots : ainsi on dit mouch\e)ron et non moucheron. Il y a même
1. Nous marquons l'accent par ce signe placé sur la lettre*.
HISTOIRE DES VOYELLES. 65
des gens qui, dans la rapidité delà prononciation, disent sous-off'cier, capitaine pour sous-officier, capitaine, etc. Cette influence de l'accent est plus visible encore dans des langues comme Tallemand, où l'accent a une plus grande importance qu'en français. Certaines syllabes sont extrême- ment brèves et sourdes. Prononcez gëlègenheit (l'occasion). La syllabe le semble étouffer celles qui l'entourent.
Ce phénomène s'était déjà produit en latin. Les inscrip- tions populaires nous montrent qu'on disait tdb'la au lieu de tabula (table) ; vinc\e)re au lieu de vincere (vaincre). Ce fait de prononciation s'était même manifesté dans le latin classique, qui disait séc'lum pour sasculum (siècle), vinc'la pour vincula (liens).
Du latin au français, la prédominance de la tonique s'est marquée davantage encore et a eu pour effet d'amener au- tour d'elle des contractions qui ont réduit le nombre des syllabes des mots.
Des types latins de quatre et cinq syllabes n'en ont quo deux en français, l'une portant l'accent principal, l'autre, l'initiale, l'accent secondaire. Ainsi :
sdinitàtem, santé, miyiistérium, mestier,
47. Voyelles libres et entravées. — NouS aurons donC à examiner à part les voyelles toniques et les voyelles atones.
Mais le sort des voyelles ne dépend pas seulement de leur nature, de leur qualité ou de leur accentuation, il dé- pend aussi de la nature des éléments, voyelles et consonnes, qui les entourent, car les sons réagissent les uns sur les autres.
Dans cet ordre d'idées, il faut distinguer particulièrement les voyelles dites libres des voyelles dites entravées ou en position.
On appelle voyelle libre une voyelle suivie d'une autre
BRUNOT. ^
66 PHONETIQUE.
voyelle, ou d'une seule consonne, ou d'une de ces articula- tions doubles dont le premier élément est une muette, et le second un r, si faciles à émettre qu'elles peuvent être considérées comme simples.
Exemple de voyelles libres : e dans c/ewm (dieu), a dans fabam (fève), a dans ma.trem (mère).
La voyelle en position ou entravée est celle qui est suivie d'un groupe de consonnes dont la seconde n'est pas la vibrante r.
C'est le cas de o dans post (puis), de e dans presbyter (prêtre).
Les voyelles ainsi en position, nécessaires à la prononcia- tion du groupe de consonnes qui les suit, ont une tendance moindre à s'affaiblir et sont traitées tout autrement que les voyelles libres.
48. Sort des voyelles libres. — I. LeS atOïies.
«) après la tonique.
En règle générale, toute voyelle atone libre, après la to- nique, tombe, excepté a qui devient e.
l* L'accent est sur la pénultième, une atone suit la tonique :
mdrej la mer;
càntOy je chant (depuis, par analogie, je chanté);
pàrtum^ le port;
ràsam, la rose ;
càntaty il chante.
2" L'accent est sur l'antépénultième, la tonique est suivie de plusieurs atones :
joeWcu/um, péril; frigidmn, froid ; /"éminam, femme; d?ii?nam, âme»
HISTOIRE DES VOYELLES. 67
En pareil cas, la pénultième tombe toujours, mémo si c'est un a.
Exemple : séparât, seivret, sèvre; Sàmairam, Sanibre.
Remarque I. — L'e muet, qui représente ainsi longtemps l'a latin, finit à son tour par tomber dans la prononciation. 11 sert aujourd'hui à indiquer que la voyelle qui le précède se prononce d'une façon particulière, que jolie, par exemple, ne sonne pas comme joli, mais il ne se fait plus entendre lui-même. Ce changement est récent et ne remonte pas à plus de deux siècles.
Remarque II. — Vi et Vu ne, sont pas toujours traités iden- tiquement comme les autres voyelles.
Quand ils se trouvent dans des mots paroxytons en hiatus avec la voyelle tonique, c'est-à-dire qu'ils lui sont immédiate- ment contigus, ils font diphtongue avec elle. Ainsi dèum fait dieu.
La même chose arrive même quelquefois quand une con- sonne gutturale ou labiale sépare Ve et Vu de la tonique. Ainsi locwri donne Ion, len, lieu ; cantkvi donne chantai.
En outre, de même que l'a doit à sa nature de son plein d'avoir pu se conserver longtemps, de même Vu et Vi doivent à leur nature spéciale un traitement particulier dans certains cas. Nous avons vu que ces deux sons se trouvent placés aux